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les ministres absolument privés d’initiative et d’autorité personnelle, avaient pour eux qu’un dévouement de commis à toutes les formes à toutes les idées de l’ancien régime ; c’était M. de Ladenberg, le confident et le disciple de M. Eichhorn, c’était surtout le sombre et austère Manteuffel, un homme d’état d’avant le déluge, disait M. de Vincke. L’assemblée ne voulut pas reconnaître ce ministère, qui ne sortait pas de ses rangs et ne représentait qu’une impuissante minorité. Il y eut des scènes graves à Potsdam entre la députation et le roi. L’irritation augmenta lorsque le ministère, pour rendre au pouvoir législatif toute son indépendance, pour le soustraire à la domination des clubs, signa l’ordonnance qui le transportait à Brandebourg ; l’assemblée résista, et l’émeute recommençait déjà sur plusieurs points ; le 12 novembre, Berlin fut déclaré en état de siége.

Pendant tout le mois d’octobre et la plus grande partie de novembre, si l’historien du parlement de Francfort veut reproduire l’exacte physionomie de l’assemblée, il est obligé de mener de front le récit des émeutes et les débats de la constitution de l’empire. Tout cela se développe à la fois dans les séances du parlement. Le 9 et le 10 novembre, on avait discuté et voté rapidement quatorze paragraphes de la constitution, c’est-à-dire les chapitres III et IV, concernant l’armée et la marine ; le 14, il fallut interrompre le débat pour s’occuper des affaires de Prusse. L’ambition du parlement de Francfort était de se poser comme un pouvoir modérateur entre la démagogie et la réaction ; l’avènement du nouveau ministère prussien, la translation de la chambre à Brandebourg, parurent aux députés de Saint-Paul une violation flagrante des principes constitutionnels, et un débat très vif s’engagea sur les mesures que le parlement devait prendre. Trois partis furent proposés. « Vous n’avez rien à faire, disaient M. de Vincke et ses amis ; avez-vous empêché la domination des clubs Berlin ? avez-vous empêché la tyrannie populaire de peser pendant six mois sur l’assemblée, sur la ville, sur tout le pays ? De quel droit vous opposez-vous aujourd’hui à un ministère qui a accepté la mission de rétablir l’ordre ? Peut-être vaudrait-il mieux que cette mission fût confiée à d’autres mains ; mais savez-vous si on l’eût acceptée ? Que Manteuffel représente l’esprit des temps passés, soit ; ce n’en est pas moins un homme d’honneur, et il a promis de rester fidèle à la constitution. Attendez au moins ses actes. » La droite concluait par un ordre du jour qui reconnaissait le droit de la Prusse et dispensait le gouvernement central de toute intervention dans cette affaire. La gauche, au contraire, demande impérieusement trois choses ; elle veut : 1° que l’assemblée prussienne continue de siéger à Berlin ; 2° que la liberté de ses délibérations soit assurée, c’est-à-dire que le gouvernement lève l’état de siége ; 3° qu’un ministère libéral succède au ministère Brandebourg. Cette proposition est très vivement soutenue par MM. Wydenbrugk, Loewe et Henri Simon