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déclarer l’urgence, c’est-à-dire de ne pas attendre une seconde lecture, de ne pas attendre même la fin du débat sur la constitution entière et de voter immédiatement les § 2 et 3 comme une loi distincte. Le discours de M. Uhland obtint un immense succès ; presque tous les partis, en effet, y trouvaient leur compte ; la gauche et le comité Dahlmann approuvaient les conclusions, tandis que les adversaires de la Prusse applaudissaient aux motifs particuliers ; tous enfin saluaient de leurs bravos enthousiastes le plus grand poète de l’Allemagne nouvelle paraissant pour la première fois à la tribune de l’assemblée nationale. L’orateur qui succède à M. Uhland, M. Beda Weber, me paraît un esprit intelligent et sage ; M. Beda Weber est Bavarois, et ce n’est pas l’amour de la Prusse qui l’égare ; il ne se forge pas non plus de système pour justifier le démembrement de la puissance autrichienne ; à vrai dire, les Slaves l’effraient peu. Ce qui l’inquiéterait sérieusement, ce serait la dispersion des membres de ce grand état, dispersion qui tôt ou tard profiterait à la Russie et lui permettrait d’envelopper l’Allemagne du côté de l’Orient. M. Stremayer et M. Wichmann, qui défendent les § 2 et 3, M. le comte Deym et M. Berger, qui les attaquent, n’ajoutent rien d’important à la discussion. M. Vogt, sans doute, va ranimer l’intérêt ; c’est le premier orateur de la gauche qui prenne part à la lutte. « Si la gauche a été peu empressée de parler, c’est qu’elle est, dit M. Vogt, fort désintéressée dans la question. Au fond, elle approuve les § 2 et 3, mais elle n’ignore pas que cette loi donnera la suprématie à la Prusse, à cette Prusse que la gauche déteste presque à l’égal de la Russie. Cependant la gauche se dévoue, et, au risque de servir un ennemi, elle défend le projet de la commission dans l’intérêt de l’unité allemande. » Hélas ! ne vous fiez pas trop au dévouement de M. Vogt et de ses amis ; ce dévouement, ils l’espèrent bien, leur sera généreusement payé, et, quand il sera question de décerner la couronne, ils sauront bien faire leurs conditions et regagner avec usure tout ce qu’ils auront accordé. Ce discours est un symptôme grave ; l’appui de la gauche, on ne peut plus en douter, donnera la victoire à M. Dahlmann.

Prenons garde toutefois, l’aspect du débat peut changer, M. Henri de Gagern est à la tribune. Les discours de M. de Gagern sont toujours des événemens ; jamais le noble orateur n’a quitté le fauteuil sans y être obligé par une circonstance grave et sans que l’autorité de sa parole ne déterminât le vote de l’assemblée. Quand le parlement est indécis, quand mille pensées contraires l’agitent, et que son inexpérience en des matières si neuves a besoin d’un guide résolu, M. de Gagern se lève ; il parle, et la décision impérieuse de sa pensée, la gravité de ses argumens, la netteté persuasive de son langage, mettent fin à toutes les fluctuations. C’est lui qui, à l’assemblée des notables, au milieu de la confusion inouie des premières séances, a rallié vigoureusement, sous