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sont envahies par les ronces ou les joncs. Il est facile de combler, par les procédé mis de nos jours en œuvre avec un plein succès dans la partie la plus insalubre des côtes de Toscane, 2,000 hectares comprenant les étangs de Saint-Nazaire, de Saint-Cyprien, de Sainte-Marie de la Mer et la zone infecte de celui de Leucate. Les eaux de la Tet, du Tech, du Réart, de l’Agly, ne sont pas moins chargées de terre et de limon que celles de l’Ombrone. Avec les dépôts de celles-ci, les ingénieurs du grand-duc Léopold II ont, en neuf années, de 1828 à 1837, et avec une dépense de 4,360,981 francs, transformé en terres excellentes 12,454 hectares de lagunes et de marécages[1]. C’est 350 francs par hectare. Il n’en coûterait pas ici davantage. Une dépense de 700,000 francs mettrait à la place des étangs des terres d’une valeur de 4 à 5 millions ; elle ramènerait la vie et la santé sur un espace au moins décuple de celui qu’ils occupent, et les productions du sol se multipliaient avec les forces de la population.

L’assainissement n’est pas le seul moyen d’augmenter les récoltes du Roussillon dont le gouvernement ait à prendre l’initiative. Sous le soleil ardent des Pyrénées, l’irrigation exerce, indépendamment des engrais dont l’abondance accompagne partout celle des fourrages, une action directe sur la production des grains ; elle s’applique à la culture des céréales comme à celle des récoltes vertes à Orella, par exemple, en amont de Villefranche, un canal ouvert en 1816 met des terres auparavant incultes en état de rendre en moyenne 24 hectolitres de froment par hectare, et l’on évalue en général à 5 hectolitres l’accroissement de produit que doivent, toutes circonstances égales d’ailleurs, les bonnes terres à cette pratique. Les irrigations qui jettent de place en place de longs tapis de verdure sur la plaine du Roussillon ne s’étendent pas, à beaucoup près, sur toute la surface qu’elles pourraient abreuver. La plus grande partie des canaux d’arrosage des Pyrénées-Orientales a été ouverte du Ixe au XIVe siècle, et ces entreprises font le plus grand honneur aux temps qui les ont accomplies, mais, comme tous les arts, celui de tirer parti des eaux a eu son enfance, et ses œuvres les plus anciennes sont loin d’être les plus parfaites. Un savant agronome a dressé le tableau complet des irrigations du Roussillon[2] ; la mesure qu’il a donnée des eaux employées et des bienfaits qui découlent de leur usage met en relief celui qu’on pourrait faire des eaux perdues. L’espace ni la matière ne manqueront aux améliorations. Sur 70,000 hectares de terrain d’alluvion que comprend la plaine, les sept huitièmes sont au-dessous du niveau auquel les différens cours d’eau

  1. Memorie sul bonificamento delle maremme Toscane, dal conte Fossombroni. Firenza, 1838. — Revue des Deux Mondes du 1er mars 1847.
  2. Mémoire sur les Cours d’eau et les Canaux d’arrosage des Pyrénées-Orientales, par M. Jaubert de Passa. Paris, 1821.