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Janvier, représentait le Vésuve politique en éruption, et les lazzaroni de Londres portant processionnellement la tête de Fox pour conjurer le danger. Sheridan officiait comme cardinal, Lauderdale et le duc de Norfolk portant sa queue.

Le ministère cherchait à couvrir par tous les moyens possibles les frais énormes de la guerre et des subsides donnés aux armées continentales. En 1795, il frappa d’une taxe l’usage de la poudre, dont tout le monde se servait alors. Immédiatement les whigs y renoncèrent, et portèrent les cheveux courts, ce qui fut appelé coiffure « à la guillotine. » Une autre taxe servit aussi de sujet à un nombre infini de caricatures : ce fut celle sur les chiens. L’impopularité de la guerre augmentait de jour en jour ; en allant ouvrir le parlement, le roi fut sifflé et lapidé par la foule, et ne fut délivré que par une charge de cavalerie. Les plus grands aristocrates whigs, et à leur tête le duc de Bedford, chef de la famille des Russell, menaient l’opposition. Gillray représente le duc de Bedford en fermier semant de l’or sur un champ labouré par Sheridan. Le soleil, avec la figure de Fox, fait mûrir les épis qui se changent en bonnets rouges et en poignards.

Au mois d’octobre 1796, le roi annonça, en ouvrant le parlement, qu’il allait envoyer un ambassadeur en France pour négocier la paix. Lord Malmesbury fut, en effet, envoyé à Paris ; on sait qu’il échoua dans sa mission et que les hostilités furent reprises. Alors la guerre redevint populaire. Gillray fit un tableau représentant l’invasion française. On y voyait Pitt lié à un poteau et flagellé par Fox ; le duc de Bedford en taureau, lançant Burke en l’air avec ses cornes ; Erskine brûlant la grande charte ; Canning pendu à un réverbère ; les princes assassinés et leurs corps jetés par les fenêtres du club whig, et, dans le fond, le palais de Saint-James en flammes. Ailleurs, il fit un arbre de la liberté planté sur un piédestal de têtes et surmonté de la tête sanglante de Fox avec le bonnet phrygien. L’opposition avait perdu en Angleterre toute popularité ; son nom était associé à l’idée de l’invasion française, et elle avait cessé de faire entendre sa voix même dans le parlement. En même temps, Bonaparte mettait un terme au directoire et à la révolution, et Gillray publiait une caricature intitulée : « Exit Liberté à la française, ou Bonaparte baissant le rideau sur la farce de l’Égalité, à Saint-Cloud, près de Paris, le 10 novembre 1799. »

Ce fut à cette époque que Pitt effectua l’union législative de l’Irlande avec l’Angleterre, cette union dont O’Connell a si long-temps demandé le rappel. Pitt, pour se concilier l’église populaire d’Irlande, avait promis d’appuyer l’émancipation catholique ; mais, trouvant chez le roi une opposition invincible à cette mesure, il donna sa démission. Le roi prit pour premier ministre un homme qui était considéré comme une créature de Pitt, Addington. Une caricature le représente monté