Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le développement de Port-Vendres est notre seul moyen de rétablir l’équilibre ; mais des relations lointaines n’en assureraient suffisamment ni l’étendue ni la durée : la prospérité des ports n’a de base indestructible que la richesse territoriale des contrées auxquelles ils appartiennent, et il importe de rechercher jusqu’à quel point cette garantie s’offre à l’avenir de Port-Vendres.

L’insuffisance du tonnage d’exportation est en France l’obstacle général à l’expansion de la marine nationale et la véritable cause de son infériorité vis-à-vis des marines étrangères. Le Roussillon partage à cet égard la condition commune, et la masse importée y est jusqu’à présent très supérieure à la masse exportée ; mais nulle part peut-être le sol ne se prête mieux à un aménagement propre à changer ce rapport, et la production n’est plus disposée à grandir sous la main d’une administration intelligente.

Les crêtes des montagnes qui enveloppent le Roussillon forment une enceinte naturelle dans laquelle la déclivité du terrain, résistant de toutes parts aux chargemens qui se dirigent vers l’intérieur, les sollicite à prendre le chemin de la côte ; l’influence du commerce de Port-Vendres est d’autant plus puissante sur ce territoire, que les produits en rencontrent d’à peu près semblables dans les provinces voisines, tandis qu’un débouché presque indéfini les appelle du côté de la mer. En effet, la propriété de supporter de longues traversées, de se conserver succulentes et salubres au milieu des variations de température des latitudes les plus éloignées, de séjourner impunément entre les tropiques, n’est accordée qu’aux denrées recueillies sur quelques sols privilégiés. Celui des Pyrénées-Orientales est de ce nombre : ses viandes, ses farines, ses vins, sont des plus propres qui soient au monde à de lointaines expéditions. Touchant en même temps à l’une des voies les plus fréquentées de la Méditerranée et à l’un des plus fertiles territoires de ses bords, la destination de Port-Vendres semble être de suppléer à la stérilité de la Provence et de fournir des provisions de bord aux nombreux navires qui passent dans ses eaux. Il ne faut pas demander si les fers de ses mines et les bois de ses montagnes entreraient avec avantage sur la côte en concurrence avec des bois et des fers venus des parties les plus reculés du pays. Cette gravitation de tous les intérêts locaux vers la mer dictait à Vauban la parole qui sert d’épigraphe à cette étude, et la question de l’avenir de Port-Vendres est de savoir, non pas si le commerce enlèvera plus ou moins rapidement les productions de la contrée, mais de combien la production locale restera au-dessous des demandes du commerce.

La division du territoire du département est la meilleure base sur laquelle on puisse asseoir à cet égard des conjectures.