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L’HISTOIRE DE LA CARICATURE.

le chef de la ligue appelée Association protestante. Cet homme, que Walpole avait surnommé le Jean de Leyde de son siècle, annonça dans la chambre qu’il viendrait apporter une pétition contre l’émancipation des catholiques, signée de plus de 100,000 électeurs qui devaient l’accompagner en procession. C’était quelque chose comme fut le 15 mai 1848 à notre assemblée constituante, comme aurait pu être le 13 juin 1849.

Au jour dit, le 2 juin, une multitude innombrable se rassembla dans le lieu appelé Saint-George’s-Fields, et de là, à travers toute la Cité, marchant six de front, arriva jusqu’auprès du parlement. La chambre des lords leva sa séance et s’esquiva. La chambre des communes continua de siéger, et, pour ce premier jour, la procession n’alla pas plus loin. La foule se dispersa vers le soir, mais en s’en allant elle mit le feu à deux chapelles catholiques. Chose étrange ! que du reste l’histoire devait encore voir un jour, le gouvernement semblait frappé d’étourdissement ou de paralysie ; il ne prenait aucune mesure, ni pour réprimer l’insurrection ni pour en prévenir le retour. Le lendemain, qui était un samedi, la populace se rassembla de nouveau en nombre immense, et parcourut les rues toute la nuit. La même scène se reproduisit le dimanche, et enfin le lundi, pendant toute la soirée et toute la nuit, la ville fut entièrement livrée et abandonnée sans défense à des bandes furieuses, qui pillèrent les chapelles et les maisons aux cris de : « À bas le papisme ! » Le soir, les insurgés mirent le feu à la prison de Newgate et délivrèrent tous les détenus ; ils en firent autant à la prison de Clerkenwell, et, renforcés, par ces nouveaux auxiliaires, ils allèrent brûler et saccager des maisons désignées. Cette orgie se continua le mardi. Le mercredi, les pillards donnèrent un assaut à la banque, et là seulement ils trouvèrent de la troupe qui les repoussa vigoureusement et leur tua beaucoup de monde ; mais le mercredi encore, pendant la nuit, le feu fut mis dans Londres à trente-six endroits à la fois.

Cependant le gouvernement avait fini par sortir de son inconcevable stupeur et appelait de tous côtés des troupes. Les citoyens, revenus aussi de leur épouvante, s’armaient pour défendre leurs maisons et organisait une espèce de garde nationale. En même temps, les insurgés et les libérés, qui avaient forcé les caves, s’y étaient abandonnés à tous les excès de l’ivresse. Au bout de six jours et de six nuits de terreur et de brigandage, un nombre considérable des révoltés tomba sous le feu de la troupe ou fut brûlé ivre dans les flammes des maisons incendiées, et la tranquillité fut enfin rétablie. Cet exemple inouï d’une grande capitale livrée pendant toute une semaine au feu et à la dévastation n’a jamais été oublié en Angleterre. On s’en est souvenu le 10 avril de l’année dernière, quand la procession chartiste rencontra sur son passage non-seulement de l’artillerie mèche allumée et