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L’HISTOIRE DE LA CARICATURE.

ques; il nous montre les grands hommes un peu en déshabillé, et nous initie aux mœurs de cette société turbulente, passionnée et surexcitée, que les événemens brûlaient et emportaient dans un perpétuel ouragan.

Entre tous apparaît Charles-James Fox, que nous retrouverons toujours sur le premier plan. Il était le second fils de lord Holland, et, quoiqu’à cette époque, c’est-à-dire en 1770, il n’eût encore que vingt ans, il était déjà célèbre par son extraordinaire talent, autant que par la dissipation de sa vie. Lord North, alors premier ministre, comprit l’importance de s’attacher un pareil auxiliaire, et le fit immédiatement entrer dans l’administration. Lord Holland, qui aimait passionnément le jeu, en avait donné le goût à son fils. C’était de ce jeune patricien qu’Horace Walpole, le Sévigné fait homme de l’Angleterre, écrivait : « Charles Fox brille également autour du tapis vert et dans la chambre des communes… Il arrivait des courses ; il était resté à boire toute la nuit, et ne s’était pas couché. Comme de pareilles facultés font rire des règles de Cicéron sur les orateurs et de son travail infatigable ! Ses discours élaborés sont puérils auprès de la raison virile de cet enfant. » Walpole disait encore de lui : « Lord Holland se meurt, et il est en train de payer les dettes de Charles Fox, ou au moins une bonne partie, car elles se montent à 130,000 livres (3,250,000 francs). J’avais pris ce garçon pour un prophète, venu pour prédire la ruine et la dispersion des Juifs ; mais, tant qu’il y aura un prêteur sur gages ou un joueur sur la surface de la terre, Charles sera toujours en dettes. »

Fox ne faisait, du reste, que partager une passion commune à toute son époque, surtout à la jeune aristocratie dont il était un des chefs les plus brillans. On jouait alors partout et à propos de tout. Un jour, des jeunes gens dînant ensemble trouvent un ver dans une noisette. L’un d’eux l’achète à son compagnon pour cinq guinées, et offre de le faire courir contre les deux premiers qu’on trouvera. Les paris s’engagent et, sur cette course extravagante des trois innocens insectes, on joue plus de 500 louis. Un autre jour, les paris s’engagent sur la vitesse de deux gouttes de pluie qui descendaient sur un carreau ; mais, par malheur, les deux gouttes se rejoignent avant d’arriver au but, ce qui annule les gageures.

Au début de sa vie politique, Fox s’était, comme nous l’avons dit, attaché au ministère tory, et il en partageait l’impopularité. On ne lui épargnait pas alors les caricatures, et son nom prêtait tout naturellement à d’éternels jeux de mots. Une caricature de ce temps, intitulée la Mort des Renards (the Death of the Foxes ), représente deux renards, l’un vieux, l’autre jeune, pendus côte à côte à un gibet, pendant que le fermier John Bull et sa femme se réjouissent de voir leur poulailler délivré de cette vermine.

Mais Fox ne resta pas long-temps avec les tories, et, à vingt-quatre ans, il se jeta dans l’opposition libérale, où il acquit son immortelle