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Ce dénoûment, dont M. de Lamartine n’a voulu faire qu’un rêve rétrospectif de sa vanité, je l’attendais de lui, avec la plus grande partie des témoins de ce spectacle plein d’angoisses, lorsqu’il parut à la tribune. On dit que Mme la duchesse d’Orléans ne partagea point cette confiance ; on dit qu’un député qui leva les yeux vers la princesse comme pour échanger avec elle une étincelle d’espoir ne rencontra dans son regard que la lueur d’un sourire de défiance et de tristesse. Peut-être la mère du comte de Paris pensait qu’elle ne pouvait trouver un défenseur dans l’historien qui a écrit des paroles si cruelles à la mémoire de la reine Marie-Antoinette. La duchesse d’Orléans ne se trompait pas. M. de Lamartine fut inexorable. Cette éloquence si riche d’éclats phosphorescens, mais qui ne s’échauffe et ne brûle jamais, fut glaciale comme la destinée. M. de Lamartine envoya la veuve et les orphelins à l’exil et livra la France à la révolution. Il fut fidèle à MM. Marrast, Bastide et Bocage.

Pour moi, en écoutant ces paroles qui transperçaient comme le désespoir l’ame de la duchesse d’Orléans, en contemplant le nouveau Verniaud de ce nouveau 10 août ; je trouvai son châtiment dans un souvenir. Je me rappelais, pour l’avoir lu dans l’Histoire des Girondins, que, le 10 août, le père de M. de Lamartine était parmi ces loyaux gentilshommes qui allèrent grossir la garde de Louis XVI ; le père de M. de Lamartine partit sans espoir, mais sans hésitation, et fut glorieusement blessé d’un coup de feu dans le jardin des Tuileries. J’ignorais encore alors, j’ignorais les liens de patronage et d’hospitalité qui avaient lié autrefois la famille de M. de Lamartine à la maison d’Orléans ; j’ignorais que la mère de M. de Lamartine avait été élevée à Saint-Cloud avec le roi Louis-Philippe. Je n’avais pas lu cette page des Confidences : « Combien de fois ma mère ne nous a-t-elle pas entretenu de l’éducation de ce prince, qu’une révolution avait jeté loin de sa patrie, qu’une autre révolution devait porter sur un trône ! (Et on ajoute involontairement, que M. de Lamartine devait chasser une dernière fois de son pays !) Il n’y a pas une fontaine, une allée, une pelouse des jardins de Saint-Cloud que nous ne connaissions par ses souvenirs d’enfance avant de les avoir vues nous-mêmes. Saint-Cloud était pour elle son Milly, son berceau, le lieu où toutes ses premières pensées avaient germé, avaient fleuri, avaient végété et grandi avec les plantes de ce beau parc. » Je n’avais pas lu non plus, ce passage : « Les princesses de la famille d’Orléans étaient exilées. Elles écrivaient quelquefois à ma mère. Elles se souvenaient de leur amitié d’enfance avec les filles de leur sous-gouvernante. Elles ne cessèrent pas de l’entourer de leur souvenir dans l’exil et de leurs bienfaits dans la prospérité. » Et maintenant. M. de Lamartine exilait avec un discours de ce beau parc, qui avait été aussi leur berceau, les petits-fils du propriétaire