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il y a donc trois parts à faire : celle des causes générales de la révolution, celle des accidens particuliers qui ont marqué les degrés de cette catastrophe, enfin le rôle joué par M. de Lamartine le 24 février, à la chambre des députés après l’abdication du roi et en présence de la duchesse d’Orléans, cherchant un refuge dans la représentation nationale violée par l’émeute. Avant d’en venir au rôle personnel de M. de Lamartine, il faut, par conséquent, repasser les causes générales et les faits de la révolution.

M. de Lamartine a négligé l’examen de ces causes, pour courir, comme il dit, au récit ; je les ai recherchées moi-même dans ce recueil avec assez de détail[1] pour n’avoir point à y revenir maintenant. Je n’en mentionnerai qu’une, celle qui a paralysé la défense du gouvernement et de la société dans les journées de février. Je la définis d’un mot : le manque de foi. Derrière toutes les fautes, toutes les défaillances qui, en cette lutte fatale, ont perdu la cause du régime de 1830, fautes du roi, fautes du gouvernement, fautes de l’opposition, fautes de la garde nationale, fautes des généraux, vous retrouverez toujours le manque de foi. Par une suite et une complexité de vices, d’accidens, de fausses situations, il est arrivé au jour suprême que la société et le gouvernement se sont trouvés trop éloignés l’un de l’autre, et n’ont plus cru assez énergiquement à la solidarité de devoir et d’intérêt qui les unissait l’un à l’autre. Le gouvernement n’a pas senti qu’il devait à la défense de la société les sacrifices les plus héroïques ; la société a oublié qu’en laissant renverser son gouvernement, elle se suicidait. Comment cet éloignement s’était opéré, comment cette foi mutuelle s’était obscurcie dans les consciences, il serait trop long de l’expliquer ; mille causes y avaient contribué : le vice d’origine révolutionnaire du régime de 1830, la confusion des partis qui donnait pour auxiliaires à la horde des destructeurs les défenseurs traditionnels de la société ; huit années de prospérité et de calme qui avaient épaissi sur les regards le bandeau d’une sécurité trompeuse ; les violences passionnées, les infatigables calomnies de la presse opposante, qui avaient fini par envelopper insensiblement le pouvoir d’un réseau de défiances. Au dernier moment, il n’y eut plus qu’une poignée d’esprits probes et convaincus, qui, les yeux fixés sur la révolution imminente, gardèrent au cœur le sentiment de la fidélité mutuelle que se devaient le pouvoir et la société : prévoyance et fermeté inutiles, qui restent aujourd’hui, à défaut de consolation l’orgueil de conscience de ceux qui ont défendu jusqu’au dernier jour le gouvernement tombé.

Le manque de foi dont je parle éclate dès le premier acte de la révolution de février. M. de Lamartine, Plus dithyrambiste qu’historien,

  1. De la Défense de la Société, livraison du 15 avril 1849.