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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE

denis dupuis.

Eh ! mon Dieu, comme toujours. La garde nationale s’est divisée : les uns n’ont pas obéi au rappel, les autres ne se sont pas entendus. Ils ont fini par se laisser entourer et désarmer. La troupe, travaillée de longue main, a manqué d’énergie et de discipline. On dit que plusieurs officiers ont été tués par leurs propres soldats. Des compagnies entières ont tourné. Enfin, il n’y a plus de gouvernement, et la révolte triomphe partout. Des atrocités ont déjà été commises.

mme dupuis.

Sauvons-nous ! je vous en prie, messieurs, sauvons-nous !

denis dupuis.

Les barrières sont fermées, et d’ailleurs, où aller ?

eulalie.

Ma mère, prenez courage et prions Dieu.

mme dupuis.

Oui, mon enfant. Ah ! que j’ai peur ! Et ton mari qui ne rentre pas ! que tu dois être malheureuse !

eulalie.

J’ai mis Valentin sous la protection de la sainte Vierge. Je prie et j’espère.

jean dupuis.

Ma chère nièce, tu es bien heureuse de conserver une confiance si peu justifiée, car…

eulalie.

Permettez, mon bon oncle ; le moment n’est pas très favorable pour continuer nos controverses. Espérez toujours que les sergens de ville et les soldats sauveront le monde, et ne me donnez pas le chagrin de vous entendre nier Dieu, quand sa main s’abaisse sur vous aussi bien que sur moi.

jean dupuis.

Il est vrai que je suis probablement ruiné cette fois comme tout le monde. Je doute que les affaires reprennent de si tôt. Dans quel état sera la Bourse demain !

denis dupuis.

Je compte sur 50 francs de baisse.

m. delorme.

Quel malheur !

jean dupuis.

Oui, et il y a deux jours le cinq était au pair. J’avais même acheté.

m. delorme.

Vous aviez acheté ? quel malheur !

jean dupuis.

Et les chemins de fer, et les canaux, et les usines, et tout ! Il n’y aura pas moyen de réaliser un centime.

m. delorme.

Pas moyen !

denis dupuis.

Ce sera une crise terrible.