J’aperçois une assez mauvaise figure.
Cette fois je ne me trompe pas, voici un socialiste.
Faisons contenance.
De l’audace, de l’audace, de l’audace !
Citoyen, vive la république, sacrebleu !
Démocratique et sociale, tonnerre !
Cette voix est civilisée et même oratoire ; je la connais. — À bas les aristos !
J’ai entendu ce bourgeois quelque part. — À la lanterne les aristos !
Plus de doute, c’est Démophile.
Ah ! mon pauvre Protagoras, est-ce vous que je vois ? Vous êtes donc proscrit ?
Je le suppose, et vous ?
Je dois l’être.
Démophile persécuté, lui qui a renversé deux dynasties !
Protagoras forcé de s’expatrier, lui qui a tant servi la liberté !
Peuple ingrat !
Peuple imbécile !
Où allons-nous ? où allons-nous ?
Je vais tâcher de gagner l’Amérique. J’ai payé ma dette à la patrie ; j’ai fait ce que j’ai pu pour la sauver. Il ne me reste qu’à lui épargner un crime, et je m’enfuis. Si elle a besoin de moi, elle me rappellera. Entre nous, je la crois perdue. Les passions sont trop déchaînées.
J’espère encore. Parmi les chefs du mouvement, il y a beaucoup de mes anciens élèves. Je veux me tenir à portée de leur donner des conseils. Je vais me cacher dans quelque coin, mais prêt à reparaître. Je prévois une réaction qui sera pire que le mal.