Valentin fait comme moi ; il est auprès de sa femme, et il cherche à la tranquilliser.
Ah ! dis plutôt qu’il est au feu avec sa légion.
Tu le connais assez pour savoir qu’il est où l’appelle son devoir. Prends courage. Cette émeute sera domptée, et au premier moment de paix, eh bien ! nous quitterons Paris.
À mort les aristos ! Vive la guillotine !
Ah ! ces hommes sont ivres. Ils se montrent nos fenêtres avec des gestes menaçans. Duflot, le concierge, est au milieu d’eux et nous dénonce.
Duflot ! Allons donc ! Voilà vingt ans que je le garde ici par pitié !
Il est envieux et méchant. (Le comte marche vers la fenêtre. Sa femme se précipite au-devant de lui.) N’avance pas ! tu ne les verras que trop tôt. Dans un moment ils seront ici. Leur chef essaie en vain de les contenir. (Avec calme.) Mon ami, ne faisons plus de projets et ne conservons plus d’espérance. Tu m’as promis de penser à Dieu quand tu verrais approcher la mort. Prions Dieu, le moment est venu.
Allons donc ! ils n’égorgeront pas comme cela les gens tout de suite, sans motif. Que leur ai-je fait ?
Je t’en conjure, songe à ton ame. Plusieurs de ces hommes poussent les autres à quelque grand crime. Ah !
Les scélérats ! Une arme, une arme !
Non, mon ami, une prière ! une prière à Dieu, devant qui nous allons paraître ! Offrons-lui notre vie pour le salut de Valentin. Ah ! il daignera peut-être se contenter de notre sacrifice. Dis-lui : Mon Dieu, je vous demande pardon ! mon Dieu, je remets mon ame entre vos mains !
Calme-toi. Je ne me laisserai pas assassiner dans ma maison. S’ils veulent ma vie, ils la paieront cher. (On entend frapper à la porte de l’appartement.)
Les voici ! (Elle se jette à genoux.) Mon Dieu ! j’accepte la mort. Grâce pour l’ame de mon mari, grace pour mon fils !
Fuyez, monsieur, vous n’avez pas un moment à perdre.