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Attaqués en 1793 par une division de 7,000 Espagnols, les habitans lui barrèrent à eux seuls le chemin de Port-Vendres, et, profitant avec habileté des difficultés du terrain, ils la refoulèrent hors du territoire en lui faisant éprouver de grandes pertes. Ils étaient alors à peine 1,500 ; ils sont aujourd’hui 2,467. Cette brave population entretient une quarantaine de bateaux de pêche, et cultive, au milieu des plus âpres rochers, un vignoble de 622 hectares, dont les produits se changent à Cette en vin d’Alicante.

Le bourg de Collioure est assis en demi-cercle, à l’exposition du soleil levant, autour d’une anse encadrée entre de noirs rochers. Au-dessus des toits rougeâtres des maisons s’élève par gradins un vaste et riche vignoble, et, plus haut encore, des bouquets d’arbres touffus, se montrant dans de sauvages anfractuosités, signalent des retraites où la fraîcheur de la terre s’unit à celle des vents de mer. Tantôt les eaux transparentes de la crique sont unies comme un miroir, tantôt une frange d’écume dessine au pied des habitations le contour de la plage. Le bourg arme de soixante à quatre-vingts barques de pêcheurs. Les jours de repos ou de mauvais temps, ces barques sont tirées à terre ; mais des bancs d’anchois ou de sardines ont-ils paru dans le voisinage, une agitation lointaine annonce-t-elle, en sillonnant les flots, l’approche des bandes de thons, le temps promet-il seulement une pêche heureuse des hôtes ordinaires de ces parages, aussitôt tout s’anime sur la plage : les barques se précipitent à l’envi dans le bassin ; elles tendent aux vents leurs voiles taillées en ailes d’oiseaux de mer, partent en essaim, se dispersent au loin et disparaissent pour converger plus tard, comme des abeilles qui rapportent leur butin à la ruche, des divers points de l’horizon vers le port.

La pêche entretient à Collioure un petit commerce de salaisons, et il est triste de dire que souvent les habitans reçoivent le poisson qu’ils devraient prendre eux-mêmes des mains de ces hardis pêcheurs génois dont les barques se rencontrent dans toutes les criques de la Méditerranée, indifféremment amarrées aux grèves hospitalières de la Provence, ou blotties sous les roches les plus sauvages des côtes d’Afrique.

L’aspect de l’anse de Collioure explique mal le parti qu’en tiraient les Espagnols dans les guerres du Roussillon. Ils y faisaient aborder, leurs galères, et, à moins qu’ils ne les tirassent à terre, elles ne pouvaient pas y être en sûreté. Il serait aujourd’hui sans intérêt de rechercher comment cet atterrage pourrait être amélioré ; il suffit, tel que l’a fait la nature, à tous les besoins de la pêche, et l’art n’y peut faire pour le commerce aucun travail qui ne fût beaucoup mieux placé à Port-Vendres.

De l’embouchure du Rhône au pied des Pyrénées s’étend la plus