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vent de nord-ouest qui nous courbait sur nos selles. Quand nous arrivâmes à Thiaret, il fallut porter à l’hôpital six hommes qui avaient les pieds gelés ; pour les autres, ils se hâtèrent de faire de grands feux, et, dans chaque tente, un trou creusé en terre reçut des charbons ardens. On dîna, on se réchauffa, on dormit comme on put.

Vers le mois de février, nous avions rejoint déjà depuis quelque temps la colonne de M. le maréchal, lorsque nous prîmes la direction de l’est. Abd-el-Kader s’était porté, disait-on, du côté des Oued-Naïl : il fallait prendre une position qui permît de surveiller ses mouvemens dans le sud, en restant maître de se diriger vers l’est ou l’ouest. Les sources du Narh-Ouessel, à huit lieues au sud de Teniet-el-Had, remplissaient toutes ces conditions. Aussi, à peine ravitaillée, la colonne se mit-elle en marche pour le Narh-Ouessel, ne gardant pour toute cavalerie que les escadrons du 4e chasseurs d’Afrique ; les autres furent envoyés se refaire au dépôt. L’arrivée d’une troupe à demi morte de faim et de misère était une bonne fortune pour les marchands de Teniet-el-Had. Nous allâmes camper à cinq lieues de ce poste, au pied des montagnes, à la limite du Sersous, près de la fontaine d’Aïn-Tekria. Aussitôt que l’on sut l’arrivée de tant de gens affamés, ce fut, autour de nous, comme un grand marché de toute sorte de denrées, de vêtemens, de comestibles ; alors descendit de Teniet-el-Had une procession de chameaux chargés de pommes de terre, d’oignons, de vivres de toute espèce, tandis que les bœufs porteurs arrivaient de leur côté avec leurs deux caisses sur les flancs, retenues par des cordes de laine. Puis, tout autour du camp, les boutiques de s’installer sous des tentes, en plein vent, se faisant un rempart de leurs caisses de sapin. Je les vois encore ces spéculateurs empressés, le juif au turban sale, aux yeux brillans et aux doigts crochus, le colon européen vendeur d’eau-de-vie criant, pestant, jurant et débitant en grande hâte ses provisions que l’on s’arrachait au prix fixé par le tarif de l’état-major général, pendant que l’administration recevait dans des sacs plombés de cinquante kilogrammes les vivres de guerre. Quand toutes les provisions furent faites, l’on se remit en marche.

Petite pluie abat grand vent, dit un proverbe français ; la grande pluie abat le grand vent en Afrique, et après les mauvais jours de novembre, avant les giboulées du mois de mars, les belles journées reparaissent comme par enchantement. Or, nous étions précisément à cette époque de l’année. Chaque matin, un clair soleil sans nuage nous venait apporter la chaleur et la joie. La route était belle, l’on nous annonçait de grandes chasses dans le Narh-Ouessel : que nous fallait-il de plus pour être en joyeuse humeur ?

Au Narh-Ouessel, en effet, dans un espace d’environ une lieue carrée, les eaux de belles sources sont retenues sur une hauteur de près de