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LA VIE MILITAIRE EN AFRIQUE.

de ses nombreux cavaliers Sidi-el-Aribi lui-même ne conservait guère que ceux que les liens du sang attachaient à sa fortune.

Cependant de nombreux renforts nous étaient arrivés de Mostaganem. Rejoints par le colonel Tartas, nous avions maintenant deux beaux et bons escadrons de cavalerie, vaillante troupe qui ne demandait qu’à prendre sa revanche. Il est vrai que notre inaction forcée avait excité l’audace de Bou-Maza, et avec son audace ses forces s’étaient augmentées. Le 3 octobre, Bou-Maza avait mis le feu à la maison du khalifat, et le lendemain il tentait une razzia sur l’autre rive de la Mina. Ce fut alors que le général de Bourjolly se décida à quitter Relizann et à se replier sur Bel-Assel. À une heure donc, on levait le bivouac, et, à la moitié de la route, l’ordre fut donné au colonel Tartas de prendre à droite avec la cavalerie, et de marcher dans la direction du confluent du Chéliff et de la Mina. Réunissant à sa petite troupe les cavaliers de Sidi-el-Aribi, qu’il devait rencontrer en route, le colonel Tartas avait mission d’observer Bou-Maza et de lui reprendre, si faire se pouvait, une partie de son butin.

Malgré les quatre jours d’orge et les quatre jours de vivres dont nos chevaux étaient chargés, nous prîmes le trot dans la direction donnée, et nous allions bon train, lorsqu’à une demi-lieue du confluent du Chéliff et de la Mina nous vîmes accourir le khalifat Sidi-el-Aribi à la tête de ses cavaliers, la figure animée par le combat, son grand cheval alezan tout couvert d’écume ; on eût dit un chevalier banneret du moyen-âge. Il salua le colonel, et vint se placer à ses côtés. Il était cinq heures ; le soleil d’Afrique, ce soleil qui, au dernier instant du jour, répand sur la terre ces teintes brunes et chaudes inconnues au pays du nord, nous éclairait de ses derniers rayons. Nous pressions nos chevaux, et nos regards se portaient en avant ; encore un pli de terrain, et nous allions voir l’ennemi. L’obstacle fut bientôt franchi, et nous aperçûmes devant nous, aussi nombreux que les sables de la mer, les cavaliers ennemis nous attendant de pied ferme. Au centre flottait un immense drapeau vert, et les deux ailes, formant le fer à cheval, semblaient prêtes à nous envelopper. Au pas ! s’écrie aussitôt le colonel Tartas, et nous allons au pas le sabre dans le fourreau. De sa grande voix de manœuvre, le colonel alors commande, et les escadrons se forment ; chacun garde une division de soutien. Entre les deux escadrons marchaient le colonel et son fanion ; à ses côtés, le khalifat ; derrière lui, une petite escorte ; sur nos deux ailes, quelques cavaliers arabes restés fidèles. « Où est le ralliement ? demande l’adjudant-major. — Derrière l’ennemi, à mon fanion, » répond le colonel, et, liés comme par une chaîne, les escadrons prennent le trot, le sabre au fourreau. Quand nous sommes à portée de fusil : Sabre-main ! crie le colonel, et les deux cent cinquante sabres sont tirés ensemble, comme