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et de monument remarquable qu’une église byzantine, construite au XIe siècle sur le modèle de celle du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Cette église célèbre a long-temps été la métropole du Roussillon, et, quoique la province fût passée en 1172 sous la dépendance de la couronne d’Aragon, l’évêché resta suffragant de l’archevêché français de Narbonne : jusqu’en 1500 que le pape Alexandre VI le fit relever directement de Rome. Il voulait apparemment purifier par cette mesure un siége sur lequel s’était assis un des plus grands scélérats dont l’histoire ait enregistré les crimes : son bâtard César Borgia venait, en effet, de le céder, pour se marier, à son digne parent François Lloris.

Elne occupe la place de l’ancienne Illiberis, et les champs qui l’environnent furent, 218 ans avant Jésus-Christ, la première étape d’Annibal sur le territoire gaulois. « Il se hâta, dit Tite-Live[1], de franchir les Pyrénées, et il établit son camp sous les murs d’Illiberis. On avait eu soin d’assurer aux Gaulois que c’était en Italie qu’il portait la guerre, mais il leur était revenu que, de l’autre côte des Pyrénées, les Espagnols, soumis par la violence, voyaient leur pays occupé par des forces considérables. De peur d’être eux-mêmes asservis, ils avaient pris les armes, et quelques-unes de leurs tribus s’étaient rassemblées autour de Ruscino. Annibal, qui craignait peu de combattre et beaucoup de perdre du temps, envoya une députation aux chefs réunis. Il voulait conférer avec eux pour s’entendre, il fallait qu’ils vinssent à Illiberis, ou qu’il s’avançât lui-même vers Ruscino ; il les recevrait avec joie dans son camp ou se rendrait avec empressement dans le leur ; il entrait dans la Gaule en hôte, non en ennemi, et, moins que les Gaulois ne l’y contraignissent, il ne tirerait pas l’épée avant d’être en Italie. Tel fut le langage des envoyés, et les chefs, tranportant leur camp à Illiberis, abordèrent sans défiance le Carthaginois : gagnés par ses présens, ils conduisirent tranquillement son armée au-delà de Ruscino et jusqu’à leurs limites. »

De savans commentateurs qui savaient mal ce dont ils parlaient fort bien, Henri de Valois et le père Hardouin à leur tête, ont placé Illiberis et le camp carthaginois à Collioure. Vauban, qui n’écrivait pas d’après des livres, remarque dans ses calculs sur la défense de Port-Vendres, que l’assiégeant ne trouveroit pas du fourrage et de l’eau à deux lieues à la ronde pour nourrir 500 chevaux deux jours durant[2]. Annibal aurait été un étrange général, s’il avait choisi, pour faire reposer 73,000 hommes d’infanterie et 11,000 de cavalerie, des escarpemens où ses chevaux n’auraient pas trouvé une place pour le repos, un brin d’herbe

  1. Histor., l. XXI, c. 24.
  2. Mémoire sur Port-Vendres et Collioure du 2 mai 1679.