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des opérations militaires. Il apprit sur le Rhône, qu’il remontait lentement en traînant à la remorque Cinq-Mars et de Thou, la capitulation de Perpignan, et cette nouvelle lui causa une indicible joie[1]. Il mourut le 4 décembre suivant, après avoir consolidé, par des mesures au premier rang desquelles fut la destruction de l’inquisition, la réunion du Roussillon à la France. Le règne de Louis XIV n’eut qu’à la régulariser par le traité des Pyrénées. Depuis cette époque le Roussillon n’a plus eu d’intérêts séparés de ceux de la France, et la ville de Perpignan a pu se faire l’application de cette vérité triviale, que les temps les plus heureux ne sont pas ceux dont l’histoire a le plus d’éclat.

Il n’est pas permis de quitter Perpignan sans monter à la citadelle, non pour y visiter le réduit qui commença par être le palais des rois de Majorque, la salle où mourut en bas âge, après avoir été arrosé de sang sous l’échafaud de son père, le fils aîné de Jacques d’Armagnac, ni la terrasse d’où la tradition veut que Charles-Quint ait précipité lui-même une sentinelle endormie, mais pour contempler un des grands spectacles auxquels l’homme puisse assister. C’est celui du soleil sortant des flots de la Méditerranée, rougissant de ses premiers rayons les cimes neigeuses du Canigou, puis inondant, de lumière le cirque de montagnes qui déploie ses magnificences autour de la plaine du Roussillon, tandis que la brume qui s’élève du lit des rivières dessine au loin leur cours entre les chaînes transversales des Pyrénées. Si, parmi ces œuvres de la nature, on cherche celles de l’homme, on voit à ses pieds les fortifications de la ville, laborieusement perfectionnées depuis Vauban, donner passage à des routes qui rayonnent vers les divers passages des Pyrénées et aboutissant à autant de places construites pour les garder : l’une, remontant la vallée de la Tet, pénètre, sous la protection de Villefranche et de Mont-Louis, dans le cœur de la Cerdagne ; l’autre atteint le Lampourdan à l’abri du canon de Fort-les-Bains et de Prats-de-Mollo ; une troisième marche vers Barcelone en passant sous le fort de Bellegarde ; la dernière, enfin, va joindre le rivage à Port-Vendres. Pivot de la défense commune, Perpignan est au loyer de ce réseau, prêt à jeter au premier appel sur chacune de ces lignes le matériel de nos arsenaux ou le poids de nos bataillons.

De ces routes, la dernière seule conduit à notre but. De Perpignan à Port-Vendres, la distance est de 30 kilomètres ; à moitié chemin, le voyageur traverse Elne et bientôt après le Tech. Elne, dont une histoire complète refléterait quelques-uns des principaux événemens qui troublèrent le monde romain, n’a plus que 2,500 ames de population

  1. Lettres du cardinal datées de Tarascon les 29 juillet, 3, 17 et 23 août, de Serrières le 2 septembre, de Lyon le 6 septembre. (Archives des affaires étrangères.)