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qu’il valait mieux voir à Vienne les Russes que les Magyars. La nécessité se fit obéir.

À l’heure qu’il est, et après des attentes inséparables de tous les mouvemens d’une armée échelonnée à de grandes distances, la jonction des troupes de l’empereur Nicolas avec l’armée autrichienne s’est opérée sur tous les points. Les deux armées alliées forment un immense cercle qui embrasse toute l’étendue du pays insurgé ; il semble que le plan soit de faire ébranler en même temps toutes les troupes et de resserrer le cercle pour arriver à une grande bataille si ce plan d’opération s’accomplit, si le courage des Magyars ne fait pas quelque trouée désespérée dans cette formidable ligne, la première victoire des alliés sera mortelle pour la cause des insurgés. La guerre des corps francs et des guérillas peut toujours se continuer dans un pays comme la Hongrie, mais la grande guerre révolutionnaire sera terminée. Si l’on combat sur une échelle moins vaste et isolément, la guerre se fera avec les chances ordinaires, et, malgré ce brillant courage, cette intrépidité sans égale, dont les Magyars ont renouvelé les preuves dans cette guerre, les chances restent, en définitive, aux gros bataillons. Déjà la campagne s’est ouverte par un succès important pour les armes impériales, la prise de Raab. Le jeune empereur d’Autriche a payé de sa personne et donné dans l’action des preuves d’une bravoure que l’armée russe a saluée de ses acclamations. À l’autre extrémité du théâtre de la guerre, les Russes sont rentrés en Transylvanie ; ils ont occupé Cronstadt et investi Clausenbourg. La défaite des hongrois ne peut guère être retardée c’est une lamentable destinée que celle de ce peuple héroïque voué à une ruine inévitable, sans que ses vrais amis, les admirateurs de ses grandes qualités, aient la consolation de pouvoir faire des vœux pour la cause qu’il représente et défend aujourd’hui. Quand la Hongrie réclamait, même d’une voix un peu menaçante, ses privilèges violés par l’Autriche, quand un grand parti constitutionnel s’efforçait de créer, avec les débris des constitutions du moyen-âge, un gouvernement libéral et modéré, à l’exemple de états représentatifs de l’Angleterre ou de la France, alors la nation hongroise avait pour elle en Europe, tous les généreux esprits qui, à travers les déceptions, les mécomptes et les révolutions de la force, cherchent encore cet équilibre puissant, cette harmonie nécessaire entre l’autorité et la liberté. Mais, aujourd’hui, la Hongrie n’a plus de querelles constitutionnelles avec l’Autriche : son armée est l’armée révolutionnaire, combattant pour le compte de tous les partis révolutionnaires en Europe. Les autres causes de l’insurrection se sont perdues et comme absorbées dans celle-ci. Sans doute, les griefs contre l’Autriche au début, puis les divisions de races et de nationalités, ont déterminé la prise d’armes et envenimé la guerre ; dans la phase actuelle, c’est l’ardeur de la propagande révolutionnaire qui domine toutes les autres