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qui avaient tenté une dernière résistance, en tirant des fenêtres des maisons, furent passés par les armes ; on traduisit devant des conseils de guerre les auteurs de l’adresse au général russe ; enfin, une contribution d’un million fut imposée aux habitans. Tout le pays saxon était parcouru par des colonnes mobiles qui pillaient et incendiaient les fermes et les villages.

Il faut abréger ce déplorables récits. L’Allemagne entière s’en est émue ; cette fraternité à laquelle on avait fait appel lors de la diète de francfort s’est retrouvée au spectacle de tels malheurs. Des souscriptions ont été ouvertes en plusieurs endroits pour envoyer des secours aux malheureux Saxons, qui erraient sans asile et mendiaient leur pain dans les rues de Bucharest. La cause, déjà peu populaire en Allemagne, de l’insurrection Hongroise et polonaise a encore perdu dans l’opinion publique. On a cherché depuis quelque temps à combattre ces impressions, et les insurgés se sont fait décerner dans plusieurs journaux des éloges pompeux sur leur modération et leur justice. On a publié même des attestations en forme, signées par les bourgeois d’Hermanstadt. Si ces pièces sont vraies, elles sont une preuve de plus de la terreur qui pèse sur la malheureuse ville[1].


IV

Depuis les événemens que nous venons de raconter, la Translvanie est restée au pouvoir des insurgés. Bem, maître de tout le pays, a pu occuper le Banat et opérer, du concert avec le général Perezel, contre les Croates de Jellachich sur toute la ligne, depuis les sources de la Waag au nord jusqu’à l’embouchure de la Save dans la basse Hongrie. Les insurgés reprirent l’offensive. Pesth tomba de nouveau au pouvoir des Magyars, Bude fut emportée d’assaut. Le général Görgey, sur le haut Danube, avait fait lever le siège de l’imprenable citadelle de Comorn, qui, cette fois encore, a gardé son nom glorieux de vierge du Danube. Le quartier-général autrichien rétrograda jusqu’à Presbourg, à quelques lieues de Vienne. Tandis que le vieux maréchal Radetzky gagnait des batailles en Italie, la capitale de l’empire se trouvait à découvert et menacée. Il fallait que le gouvernement autrichien hâtât ses résolutions. Depuis le secours donné par le général Luder à la Transylvanie, les esprits étaient divisés sur la question de l’intervention. Il y avait dans le ministère le parti russe et le parti autrichien pur. Celui-ci ne voulait à aucun prix entendre parler de l’intervention. Il la regardait comme une humiliation pour la monarchie. Le parti russe lui-même était aussi peu russe que possible. Il se bornait à dire

  1. On a proposé à la diète de Debreczin de retirer aux Saxons tous les privilèges qui leur ont été concédés lors de leur établissement en Transylvanie, et de les exclure du nombre de nations souveraines. Il n’a manqué que 6 voix pour l’adoption de La proposition.