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— Qu’as-tu donc aujourd’hui, petite ? À quoi penses-tu donc ? Ou bien est-ce que tu ne m’entends pas ? Je ne grasseie pas pourtant, et je n’ai pas encore perdu la tête, hein ?

Lisabeta ne l’écoutait pas. De retour à la maison, elle courut s’enfermer dans sa chambre et tira la lettre de son gant. Elle n’était pas cachetée, et par conséquent il était impossible de ne pas la lire. La lettre contenait des protestations d’amour. Elle était tendre, respectueuse, et mot pour mot traduite d’un roman allemand ; mais Élisabeta ne savait pas l’allemand, et en fut fort contente. Seulement, elle se trouvait bien embarrassée. Pour la première fois de sa vie, elle avait un secret. Être en correspondance avec un jeune homme ! Sa témérité la faisait frémir. Elle se reprochait son imprudence, et ne savait quel parti prendre.

Cesser de travailler à la fenêtre, et, à force de froideur, dégoûter le jeune officier de sa poursuite, lui renvoyer sa lettre, lui répondre d’une manière ferme et décidée, à quoi se résoudre ? Elle n’avait ni amie ni conseiller ; elle se résolut à répondre.

Elle s’assit à sa table, prit du papier et une plume, et médita profondément. Plus d’une fois elle commença une phrase, puis déchira la feuille. Le billet était tantôt trop dur, tantôt il manquait d’une juste réserve. Enfin, à grand’peine, elle réussit à composer quelques lignes dont elle fut satisfaite : « Je crois, écrivait-elle, que vos intentions sont celles d’un galant homme, et que vous ne voudriez pas m’offenser par une conduite irréfléchie ; mais vous comprendrez que notre connaissance ne peut commencer de la sorte. Je vous renvoie votre lettre, et j’espère que vous ne me donnerez pas lieu de regretter mon imprudence. »

Le lendemain, aussitôt qu’elle aperçut Hermann, elle quitta son métier, passa dans le salon, ouvrit le vasistas, et jeta la lettre dans la rue, comptant bien que le jeune officier ne la laisserait pas s’égarer. En effet, Hermann la ramassa aussitôt, et entra dans une boutique de confiseur pour la lire. N’y trouvant rien de décourageant, il rentra chez lui assez content du début de son intrigue amoureuse.

Quelques jours après, une jeune personne aux yeux fort éveillés vint demander à parler à Mlle Lisabeta de la part d’une marchande de modes. Lisabeta ne la reçut pas sans inquiétude, prévoyant quelque mémoire arriéré ; mais sa surprise fut grande, lorsqu’en ouvrant un papier qu’on lui remit, elle reconnut l’écriture de Hermann.

— Vous vous trompez, mademoiselle, cette lettre n’est pas pour moi.

— Je vous demande bien pardon, répondit la modiste avec un sourire malin. Prenez donc la peine de la lire.

Lisabeta y jeta les yeux. Hermann demandait un entretien.

— C’est impossible ! s’écria-t-elle effrayée et de la hardiesse de la