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leur jeter à la face leurs complots, à venger par sa parole énergique et ferme la société qu’il défendait par ses mesures courageuses ? La majorité s’était-elle trompée sur son compte ? L’homme opportun n’a-t-il pas été en même temps l’homme décisif ? Qu’eût fait de plus un homme de la majorité pure ? Qu’eût-il dit de plus ? Il eût plus irrité les ennemis que nous avons à combattre. Il ne les eût pas plus hardiment attaqués. Qui sait même si, forcé de faire une révérence à la constitution, à chaque coup qu’il portait aux prétendus amis de cette constitution, à ceux qui la mettaient sur leur drapeau pendant le combat pour la mettre sous leurs pieds après la victoire ; qui sait, disons-nous, si un homme de la majorité pure, obligé à ces politesses envers la constitution, n’y eût pas perdu un peu de sa force et un peu de son temps du moins ? M. Dufaure s’en est trouvé dispensé, et il en a profité pour frapper plus à son aise ses adversaires.

Laissons donc de côté le manifeste constitutionnel. Ne le considérons que comme une sorte de mine, et de physionomie qu’ont voulu prendre quelques personnes ; mais n’oublions pas que les ministres qui faisaient partie du cercle constitutionnel ont hardiment payé de leurs personnes dans les dernières luttes, et que, si nous pouvons réprouver quelques phrases chez ceux qui n’ont pas autre chose à faire en ce moment qu’à écrire, nous avons à approuver les actes de ceux qui avaient à agir. Veut-on prendre la réunion du cercle constitutionnel dans son ensemble, écrivains et ministres : nous demandons alors, et cela est juste, que, si on tient compte en mal de quelques phrases, on tienne compte en bien de beaucoup d’actes. Comme les actes ont plus de portée et d’effet que les paroles, le compte se soldera d’une manière favorable. Les véritables représentans du cercle constitutionnel sont, à nos yeux, MM. Dufaure, de Tocqueville et Lanjuinais, et nous ne doutons pas qu’en considération de la confiance que ces ministres inspirent à la majorité, la majorité n’oublie la mauvaise humeur qu’elle a dû avoir contre le manifeste. Il est arrivé en cette affaire le contraire de ce qui arrive ordinairement. Ceux qui n’avaient qu’à parler ont médiocrement parlé, et ceux qui avaient à agir ont bien agi. La majorité bien nous informée a donc plus à se féliciter qu’à se plaindre ; nous nous applaudissons de ce dénoûment.

Tout ce que nous venons de dire de M. Dufaure à l’intérieur, nous pouvons et nous devons le dire de M. de Tocqueville dans les discussions sur la politique extérieure, il n’a pas plus cédé, il n’a pas plus hésité sur la politique extérieure que M. Dufaure sur la politique intérieure. Où donc voudrait-on trouver entre eux et la majorité la moindre différence ?

Les questions de politique extérieure sur lesquelles le débat s’est engagé dans l’assemblée législative ne sont pas les questions les plus importantes et les plus délicates du moment, puisque l’on n’a parlé ni de la question italienne, ni de l’attitude de la Prusse en Allemagne. La question de la Russie est tellement générale, toute grave qu’elle est, qu’elle ne s’applique pas d’une manière particulière au moment actuel. Elle domine la situation générale de l’Europe et du siècle. La question de l’insurrection démagogique du grand-duché de Bade et du Palatinat est une question finie, et qui n’a plus de dangers que par les prises qu’elle donne à l’esprit rétrograde ; mais ces deux questions, traitées l’une par M. Mauguin et l’autre, par M. Savoye, touchent de près aux sentimens de la ma-