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Qu’étaient-ce donc que ces droits fondamentaux ? Une constitution philosophique en attendant la constitution politique, l’unité morale en attendant l’unité administrative de la patrie. Rien de mieux assurément, si l’on eût su se borner. Une déclaration de principes conçue et rédigée nettement aurait eu ici un double avantage : on se serait débarrassé d’abord de tout ce grand étalage scientifique, on aurait évité surtout de confondre une proclamation de droits avec une loi constitutive. Ces Grundrechte sont-ils, comme on disait à l’assemblée des notables, un grand idéal proposé aux peuples allemands et destiné à rallier dans les mauvais jours tous les serviteurs du progrès et de la vérité ? ou bien forment-ils déjà une loi, une constitution obligatoire ? Dans la pensée du parlement, les Grundrechte sont à la fois ces deux choses, et de là bien des embarras. Tandis que tel gouvernement, n’y voyant qu’une charte philosophique, admettra sans peine les droits fondamentaux, celui-ci, frappé avant tout du caractère positif de la loi et des conséquences démocratiques qu’elle renferme, refusera ouvertement sa sanction : il y aura lutte, en un mot, à l’occasion de ces principes, que chacun devait saluer comme l’expression la plus haute de la société moderne. Proclamer la liberté individuelle, l’égalité devant la loi, l’inviolabilité du droit de propriété, l’abolition des privilèges de la noblesse, la suppression de la dîme et des servitudes féodales, c’est rendre un hommage bien naturel à l’esprit des temps nouveaux et faire briller aux yeux des peuples allemands l’idéal qu’ils doivent poursuivre en commun ; mais, quand le parlement de Francfort ajoute à cette proclamation de principes des injonctions positives qui doivent lier tous les gouvernemens de l’Allemagne, il commet la faute dont il se rendra coupable en créant la constitution politique il s’attaque étourdiment à des difficultés qu’il ne pourra vaincre.

Faut-il imiter le parlement de Francfort et s’arrêter longuement à ces discussions inopportunes ? Faut-il mettre aux prises les différens systèmes qui s’agitent à propos des rapports de l’église avec l’état ? Tout cela n’est ni bien neuf ni bien important. Les ultramontains de la Bavière, M. le professeur Doellinger, M. le docteur Sepp, M. de Lasaulx, élevant des prétentions insoutenables, engagent la lutte la plus vive contre M. de Beisler, et accessoirement contre M. Jordan (de Marbourg) et M. Vogt. M. Vogt et M. Jordan représentent ici le radicalisme hautain, lequel, dans son mépris suprême pour les croyances et les institutions religieuses, accorde volontiers toutes les libertés que réclament les fanatiques c’est-à-dire l’indépendance absolue de l’église vis-à-vis de l’état. M. de Beisler, au contraire, ministre de l’instruction et des cultes à Munich, est un esprit plus prévoyant et plus sage. Intelligence pratique, il veut que l’église ait des rapports avec l’état, et que ces rapports soient bien réglés ; l’église à ses yeux, n’y est pas moins intéressée