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de capital, y serait tout aussi profitable que celle d’un domaine agricole très lent et très dispendieux à créer. Il y a plus : une étude complète des moyens de vivifier les parties voisines de la côte conduirait probablement à proposer l’admission des eaux de l’étang de Salces dans un système d’aménagement hydraulique qui deviendrait la base du principal établissement maritime du Languedoc.

Le plus efficace et le plus utile des moyens d’assainissement mettre en usage dans cette région désolée serait la restauration d’une industrie que les anciens y exploitaient en grand. Strabon, Pomponius Mela, ont décrit Salces et la source puissante dont les eaux, plus salées que celles de la mer, salsioribus etiam quam marinœ sunt aquis defluens, se perdent sous les murs du village moderne. L’aire en était de leur temps garnie de vastes salines. Les vestiges en ont disparu sous les invasions des Goths, des Arabes, des Normands, et l’histoire du Roussillon, depuis le moyen-âge jusqu’à nos jours, explique l’abandon où cette richesse naturelle est restée. Les surfaces qu’occupaient les salines se sont converties en autant de foyers d’infection ; l’insalubrité s’est transmise à nous de siècle en siècle, et nous acceptons encore comme une irrémédiable fatalité cet héritage des dévastations d’un autre âge.

Quels motifs les anciens avaient-ils de traiter les eaux de la de Salces plutôt que celles de la mer voisine, dont nous nous contentons ? Le bas prix, des sels marins, sur des points de cette côte beaucoup mieux placés pour le commerce, n’autorise guère à penser que ce fût l’économie de l’exploitation. Serait-ce la supériorité de qualité des sels obtenus ? Sans perdre en conjectures un temps qu’il vaudrait mieux employer à faire des expériences, il est permis de remarquer que tout le commerce de cette côte était alors entre les mains des Marseillais, et qu’au dire de Pline, les salaisons de Marseille, surtout le thon et la sardine, qui n’ont pas déserté ces parages, étaient particulièrement recherchée à Rome. La fontaine de Salces était-elle pour quelque chose dans la préférence maintenant perdue que les anciens accordaient à ces salaisons ? Une pareille question ne reste pas long-temps posée dans un pays aussi bien doté que le nôtre en moyens d’explorations. M. Gréterin, directeur-général des douanes, informé des faits qui précèdent, met en ce moment le laboratoire de l’école des mines en mesure d’apprécier les produits de la fontaine de. Salces, et nous saurons bientôt s’il y a quelque induction utile à tirer d’une circonstance bien connue des pêcheurs de la côte : c’est que les bandes de poissons qui, à diverses époques de l’année, entrent de la mer dans l’étang se dirigent constamment vers la fontaine, entraînées par on ne sait quel attrait. L’influence du choix du sel sur la conservation des viandes et du poisson est commue, et les quantités de sels de Portugal et