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se dissoudre, l’archiduc Jean entretenait avec le mâle historien du patriotisme germanique une correspondance remplie d’une seule idée, animée d’un seul désir, la reconstitution des forces nationales. Plus tard, pendant les guerres de 1813, il prit rang parmi les plus dévoués défenseurs du pays. Il resta fidèle, après la victoire, aux principes de sa loyale jeunesse. Eloigné de la cour, suspect à son frère et à M. de Metternich, il ne s’associa jamais à cette politique que la révolution de 1848 a renversée. Sa vie était modeste, son libéralisme sans fracas. On aimait à citer bien des faits inconnus de cette existence si digne. Des événemens domestiques, les circonstances romanesques de son mariage, ajoutaient encore au prestige de ses vertus patriarcales : c’était vraiment l’homme simple et bon, c’était le braver Mann si cher à nos voisins. Quel autre prince aurait mieux répondu aux nécessités de la situation ? Qui avait mieux mérité cette récompense de garder la couronne et l’épée de l’empire, en attendant qu’un bras plus fort ou un politique plus exercé acceptât définitivement cette laborieuse mission ?

Le 28 juin, à une heure, en présence d’une foule immense qui remplissait jusqu’au faîte les tribunes et les galeries de l’église Saint-Paul, M. de Gagern ouvrit la séance par ces paroles : « L’heure a sonné où pour la première fois depuis des siècles le peuple allemand est appelé à se donner lui-même un gouvernement pour régler les affaires de la patrie commune. L’unité de l’Allemagne, qui n’existait jusqu’ici qu’au fond de nos consciences va devenir un fait et occuper sa place dans le monde. Nous allons exercer un droit qui sera respecté de tous ; accomplissons ce grand acte avec un esprit de paix. » Plusieurs propositions avaient été faites pour régler le vote ; consultée par le président, l’assemblée décide que chaque représentant votera de sa place, à haute voix, et que l’élu devra réunir la majorité absolue des suffrages. Alors M. de Gagern : « Quel que soit l’élu, messieurs, soyons bien déterminés à le soutenir de toutes nos forces. » Presque toute l’assemblée se lève en applaudissant ; M. Arnold Ruge et M. d’ltztein demeurent assis. Un des secrétaires, M. Simson, monte à la tribune et commence l’appel nominal. — M. Albrech (de Leipsig) : L’archiduc Jean d’Autriche ! — M. Braun : l’archiduc Jean d’Autriche ! — M. Compes (de Berlin) : L’archiduc Jean d’Autriche ! — Les vingt députés qui ouvrent le vote répètent ainsi le nom de l’archiduc. M. Jordan (de Berlin) est le premier qui rompe cet accord en proclamant M. d’Itztein. D’autres membres de la gauche, en plus grand nombre, donnent leurs voix à M. de Gagern. D’autres s’abstiennent de voter en répétant cette phrase : Point de pouvoir irresponsable ! Enfin l’appel nominal est terminé, le compte des votes donne le résultat suivant : L’archiduc Jean 436 voix, M. Henri de Gagern 52, M. d’Itztein 32, l’archiduc Étienne 1 ; vingt-cinq députés de la gauche se sont abstenus. M. de Gagern prend aussitôt la