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du Borysthène et en petit sur la côte du Roussillon. Telle est l’origine des étangs salés qui bordent une partie de cette côte ; il sont au nombre de quatre : celui de Leucate a 5,710 hectares ; celui de Saint-Nazaire de la Mer, 26 ; celui de Saint-Nazaire, 785 ; celui de Saint-Cyprien, 156, soit un total de 677 hectares.

Les trois derniers sont isolés de la mer, a moins que les inondations venues de l’intérieur ne les fassent déborder, ou que, sous la pression des vents d’est, les lames ne franchissent les bourrelets. L’étang de Leucate, six fois plus vaste que les trois autres réunis, reçoit les eaux de la mer ou lui verse les siennes par des graus qui s’ouvrent ou se ferment, au gré des flots, dans le sable du bourrelet. Le courant des eaux qui s’échangent entre la mer et l’étang, suivant les variations de niveau causées par les vents et les marées, suffit pour rendre ces passages praticables à de légères embarcations. Comme les autres lagunes des bords de la Méditerranée, l’étang de Leucate est le rendez-vous de nombreuses légions de poissons qui viennent y frayer, et la pêche s’y fait dans des bourdigues placées à l’entrée des graus. L’on n’a jamais pris aucune mesure pour l’aménagement de cette pêche, ni pour la fixation des passes, ni pour l’établissement d’une petite navigation dans l’étang : l’art n’y est jamais venu au secours de la nature ; le sondage n’en est même pas fait, et il n’existe sur les étendues et les dispositions respectives des surfaces qui devraient être desséchées pour l’agriculture ou réservées pour la pêche et la navigation que des notions incomplètes. Ces étangs constituent autant de foyer d’infection, dont l’influence délétère dépeuple les terres environnantes.

Pour apprécier les points d’appui qu’offre cette contrée soit à la marine marchande, soit à la marine militaire, il est nécessaire de porter les yeux sur l’intérieur, de connaître les ressources du sol, l’esprit des populations. Les élémens les plus saillans de cette étude se placent d’eux-mêmes sous les pas du voyageur qui se rend de Narbonne à Port-Vendres.

La seule voie carrossable pour entrer en Roussillon était, il y a vingt ans, la route royale n°9, qui se confondant presque avec la via Domitia des Romains, va de Narbonne à Salces (Salsulœ), à Perpignan, au Boulon (ad Stabulum), et entre en Catalogne par le col de Pertus, le plus bas de la chaîne des Pyrénées. Les trophées de Pompée et le grand autel érigé par César y manquaient jadis la limite entre la Gaule et l’Ibérie, et Vauban y a construit, avec moins d’éclat et plus d’utilités le fort de Bellegarde.