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l’acheteur, envoie sur les marchés étrangers des produits de mauvaise qualité : il sera cause que les objets d’origine américaine seront décriés au dehors, et qu’on les repoussera indistinctement. Dans cette prévision, on a jugé à propos d’avoir des lois d’inspection à la sortie pour les denrées américaines de grande exportation, de celles du moins qui peuvent aisément être vérifiées ; ainsi de la farine, qui se vend en grande quantité aux Antilles et dans l’Amérique du Sud ; ainsi des viandes salées dont l’Angleterre a reçu, en 1847, des États-Unis 13 millions de kilogrammes, et que la France a le tort d’écarter, quoique l’hygiène publique ait beaucoup à souffrir parmi nous de la pénurie de la viande.

Les lois américaines pour l’inspection à la sortie de la farine et des salaisons n’ont rien de commun avec les règlemens de fabrique dont 1789 délivra enfin l’industrie française. Chaque baril de farine ou de porc salé est visité au port seulement, sur le quai, au moment où on va l’embarquer ; avec un fer rouge, l’inspecteur y imprime une marque constatant que l’inspection a été satisfaisante. À l’égard des viandes salées, le détail des prescriptions est curieux à lire : on indique les pièces de la bête qui ne peuvent être exportées, la qualité de la saumure et d’autres choses indispensables à la bonne conservation, mais fort élémentaires. On a laissé à chaque état maritime le soin de faire ses lois d’inspection. Au congrès a été réservé seulement le droit de les réviser et de les contrôler autant que besoin serait, afin qu’elles ne servissent pas de prétexte à des exactions ou à d’autres abus (titre Ier de la constitution, article 10, § 2). On a eu l’attention de rendre le mécanisme de ces lois très simple et très expéditif ; l’administration française pourrait apprendre là comment on peut se dispenser de mettre en mouvement à tout propos des régimens de fonctionnaires et de remuer des montagnes de paperasses, et comment il est possible de garantir suffisamment l’intérêt public sans imposer au commerce beaucoup d’ennuis, de servitudes et d’avanies.

Les lois d’inspection sont anciennes en Amérique ; elles datent du régime colonial. Elles ont empêché, depuis trente ans, des pacotilleurs effrontés de porter à l’agriculture américaine un grand préjudice. On pourrait supposer que, chez les Américains, c’est un débris de l’ancien régime, échappé par hasard aux réformateurs. Je ne crois point à ces hasards-là. Les lois d’inspection n’excitent pas de plainte parmi les commerçans honorables et parmi les cultivateurs ; mais elles blessent des intérêts malhonnêtes et sordides, qui, aux États-Unis, sont pour le moins aussi remuans que partout ailleurs, et, pour que le système de l’inspection fût maintenu de nos jours, il a fallu qu’il fût bien défendu.

Au reste, il ne faut jamais chercher l’unité absolue dans les lois des nations. Le cœur humain est un abîme de contradictions ; la législation, œuvre de l’homme, ne peut manquer de s’en ressentir. La liberté est