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de semaines, les journaux nous ont rapporté qu’un quart de la magnifique ville de Saint-Louis du Missouri venait d’être dévoré par les flammes ; on estime la perte à 32 millions. L’assurance contre l’incendie est donc d’intérêt universel en Amérique. Je ne sache pas cependant qu’il y ait jamais été question d’en décerner le monopole à l’état, pas plus que d’un mode d’assurances quelconque. Sous ce rapport, comme sous bien d’autres, nos financiers de 1848 puisaient leurs inspirations républicaines ailleurs que dans les lois et les usages de la puissante et glorieuse république fondée par les Washington et les Franklin.

Liberté, liberté extrême, liberté illimitée dans le travail et dans l’emploi des capitaux, voilà, malgré quelques anomalies, l’esprit général de la législation des États-Unis. Pour les fonctions publiques même, on a élaboré et enseigné, en Amérique, une théorie de la rotation, qui aurait pour effet d’y faire successivement passer à peu près tout le monde, et je me souviens de l’avoir vu soutenir dans un message solennel du général Jackson ; mais ce n’est qu’une caricature de la liberté des professions, et aujourd’hui personne plus n’en parle.

VII. – DES RESTRICTIONS APPORTÉES PAR LES LOIS ET PAR LES MŒURS À L’EXERCICE DE LA LIBERTÉ.

J’ai montré qu’en Amérique le citoyen jouit, dans sa personne et dans son domicile, d’un très haut degré de liberté, et que l’homme industrieux y possède, dans l’emploi de ses facultés et dans la poursuite de la richesse, une liberté extrême. Est-ce à dire que chacun y puisse suivre son caprice, s’abandonner à sa cupidité et déchaîner ses passions ? Non certainement. Il y a plusieurs forces toujours en éveil qui contiennent l’individu ; mais qui elles-mêmes sont réglées de manière à ne pas enfreindre la liberté de l’homme honnête et du citoyen vertueux. Parmi ces forces, je distingue d’abord la loi.

Il est des cas où l’abus de la liberté d’un seul causerait presque infailliblement un grand dommage à toute la communauté. Que dans une élection un vingtième ou un dixième de la population soutienne une candidature insultante pour la raison publique, il n’y a pas grand mal, pourvu que les neuf autres dixièmes, à qui je suppose des idées saines, au lieu de se laisser intimider par les fous et les énergumènes et de s’enfermer chez eux, aillent remplir leurs devoirs de citoyen et au besoin fassent respecter l’ordre. Que quelques personnes crédules se prennent d’enthousiasme pour les drogues d’un saltimbanque et ruinent leur santé, le mal peut être plus grave ; cependant le dommage n’est que pour ces personnes-là. Chacun pour soi, a pu dire le législateur, la leçon profitera au reste du public. Mais voici un producteur qui travaille pour l’exportation, et qui, spéculant sur l’inattenti on de