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montre comment la législation américaine y imprime un caractère particulier de spoliation[1]. L’article n’en est pas moins devenu à la mode dans un grand nombre d’états de l’Union, même des plus renommés. Il convient de dire qu’il n’en a pas été fait usage encore une seule fois, et si quelqu’un des états voulait s’en servir d’une façon qui fut manifestement attentatoire au droit de propriété, on obtiendrait probablement de la cour suprême des États-Unis, gardienne austère du droit public, un arrêt qui déclarerait la tentative inconstitutionnelle. Il ne paraît pas que les capitalistes américains s’en soient précisément alarmés, puisque de nouvelles compagnies se forment. Il n’en est pas moins vrai que l’adoption de cette clause en Amérique est d’un funeste augure. C’est du despotisme tout pur ; c’est la preuve que la pernicieuse influence des démagogues réussit à dominer quelquefois les conseils des états.

Dans quelques-uns des états, plutôt que d’avoir des corporations investies de pouvoirs où il serait possible à d’ombrageux amans de la liberté d’apercevoir une espèce de monopole, et aux tribuns de trouver un texte pour leurs déclamations, on a réservé à l’état lui-même les entreprises qu’ailleurs on confie communément à des associations de capitalistes. Dans deux états de l’ouest, l’Indiana et l’Illinois, la constitution interdit toute banque autre que celle que l’état jugera à propos d’établir avec ses propres fonds. Dans l’Iowa, la prohibition est, s’il se peut, plus absolue encore contre les banques. Souvent l’état s’est attribué le confectionnement et l’exploitation de certaines voies de communication considérées comme les artères du commerce. Mais les banques d’état ont complètement échoué. Pour s’être mêlé d’opérations de crédit, l’état de Mississipi s’est ruiné sans pouvoir dire : Tout est perdu fors l’honneur. L’attribution à la communauté des voies de communication a obéré les finances de plusieurs états, notamment de la Pensylvanie, de l’Indiana, de l’Illinois ; elle les avait même réduits à la banqueroute : elle n’a été justifiée par le succès que dans un nombre restreint de cas où l’industrie privée eût été impuissante à réunir les fonds nécessaires, et où la grandeur du mouvement commercial a permis au gouvernement de faire de belles recettes avec un tarif de péage inférieur à celui qu’il eut fallu d’avance accorder à des particuliers, afin qu’ils entreprissent l’œuvre. Le grand canal Erié, dans l’état de New-York, est un éclatant exemple du concours de ces deux circonstances ; mais l’état de New-York lui-même a autorisé un très grand nombre de compagnies de travaux publics auxquelles il a accordé des clauses assez avantageuses pour qu’elles aient prospéré. Dans cet état donc, il n’y a point eu d’exclusion systématique contre les compagnies de travaux publics.

  1. Commentaires on American Law, tome II, page 306.