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sont avant tout des pays de traditions ; c’est la Prusse ou plutôt c’est Potsdam qui inclinerait à ressusciter des traditions perdues chez un peuple possédé par l’esprit critique. Contre le double danger de ces tendances excessives, il faudrait seulement laisser parler la liberté, mais la liberté n’est plus consultée en Autriche, et elle se modère si fort en Prusse pour ne pas ressembler à la licence, qu’il lui est difficile de s’opposer vivement à rien.

L’Autriche commence donc à sentir les embarras de la charte d’Olmütz. Nous avons dit bien des fois la pensée de cette charte. Au lieu de ces couronnes particulières de Hongrie, de Bohême, de Croatie, de Gallicie, etc., il n’y a plus qu’une couronne unique, le diadème impérial d’Autriche, porté par un prince qui n’est plus le souverain féodal de sujets indépendans les uns des autres, mais le chef d’une grande administration dans laquelle ils sont tous fondus, le premier employé d’une vaste hiérarchie bureaucratique qui les couvre tous de son réseau, sans distinction de langue ni de race. Voilà le présent qu’on a fait aux Slaves, si jaloux de leurs origines, aussitôt après qu’on les a eu chassés de la diète de Kremsier. Le présent ne s’accepte point sans résistance. Le conseil national des Croates qui délibère dans Agram, a rompu ouvertement avec le ban Jellachich, qui lui impose de force la constitution autrichienne, et l’on prévoit déjà qu’il pourrait être nécessaire de recourir à l’état de siége. Faudrait-il donc maintenant tourner contre les Croates les Russes à peine victorieux des Hongrois ? Et que deviendra l’empire, si ces continuels mouvemens intérieurs ne permettent point de renoncer à prendre au dehors des alliés si redoutables ? L’empereur Nicolas et M. de Nesselrode ne ménagent pas, il est vrai, les protestations pacifiques, et tiennent à convaincre l’Europe de la modération de leur triomphe ; mais la grande amitié que les Russes étaient maintenant pour les Hongrois ; le peu de cas qu’ils affectent de faire des Autrichiens, les rendent trop suspects à la cour de Vienne pour que l’Europe puisse être aussi tranquille que le demande leur diplomatie. Il est à regretter que cette même constitution d’Olmütz qui a forcé l’Autriche à s’appuyer sur eux l’empêche peut-être de se joindre assez solidement à l’Allemagne pour leur résister de concert avec elle.

D’après des bruits que nous ne voulons pas accueillir et que nous ne faisons qu’indiquer, l’Autriche, au contraire, se serait définitivement réunie à la Prusse, mais pour revenir en commun aux anciens erremens absolutistes. Ce ne serait point là une véritable alliance allemande, ce ne serait qu’un pacte russe. On prétend que la coterie de M. de Gerlach aurait déterminé ce triste retour vers un passé impossible, et quelle s’apprêterait à refaire de son mieux une Prusse piétiste et féodale par-dessus une Allemagne esclave. L’archiduc Jean ne serait revenu Francfort avec son ministère in partibus que pour assister au dénouement misérable du pauvre drame de la révolution allemande. Nous ne voulons pas croire à ces rumeurs. Nous savons tout l’ascendant que les dernières commotions ont rendu aux anciens amis de Frédéric-Guillaume, nous comprenons qu’ils songent à profiter de la chute de la Hongrie pour frapper la liberté constitutionnelle avec la démagogie révolutionnaire. Les voyages et les entrevues des princes, allemands peuvent prêter à toutes les suppositions : Nous persistons, cependant à penser que le parlement prussien, qui s’est accommodé dans un esprit si politique du ministère de : M. de Brandenbourg, réunit en lui assez de force et de sagesse pour écarter l’idée d’une contre-révolution trop violente.