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c’est la corruption : on cite quelques faits particuliers, on parle de la distribution des places livrée à l’abus des influences. Poussons à bout l’accusation. Je connais trois sortes de corruption : il y a la corruption individuelle, qui tient à la faiblesse et à la dépravation de notre nature ; celle-là est un venin que chacun porte en soi, et la religion elle-même désespère de l’extirper du cœur de l’homme. Il y a la corruption politique produite par certaines institutions : celle-là est inhérente au tempérament des peuples ; elle est la faute de leur histoire. Il y a la corruption générale des mœurs : celle-là tient a l’esprit, aux idées et aux passions qui dominent une société. Je nie, en serrant de près la question, que sur ces trois chefs aucun parti en France ait le droit de se proclamer, je ne dirai pas moins coupable, mais aussi innocent que celui qui a été vaincu en février.

Je prends la première catégorie, celle des fautes individuelles, des crimes personnels. Certainement la fatalité qui accumula l’explosion de plusieurs scandales sur la dernière années du règne de Louis-Philippe a contribué, grace à la malice des partis, à troubler l’opinion publique et à préparer la révolution ; mais ce qui n’est permis à personne, ce qui est interdit aux légitimistes surtout, c’est de prétendre qu’ils l’aient justifiée. Est-ce donc la première fois que de grands crimes ont consterné les hautes régions de la société sous les gouvernemens même les plus grands et les plus prospères ? Ne se souvient-on pas de ces empoisonnemens où furent compromises, sous Louis XIV, grandes dames et des princesses ? N’est-ce pas Saint-Simon qui a dit, à propos de cette effroyable épidémie du poison, qu’il y a des modes de crimes, comme d’habits ? » L’Angleterre n’a-t-elle pas eu des ministres corrompus, des grands seigneurs déshonorés sans que ses institutions en aient été ébranlés ? Je sais que d’autres fois des malheurs pareils ont servi au renversement d’institutions affaiblies. Ils ont pu être une arme aux mains des démolisseurs, ils n’ont jamais été un argument contre leurs victimes. Avec les quinze louis qu’il se laissa prendre par Mme Goësman, Beaumarchais porta un coup terrible à l’ancienne magistrature française ; les légitimistes trouvent-ils que la vénalité d’une femme suffisait à déshonorer un parlement ? L’affaire du collier a perdu Marie-Antoinette ; parce qu’un cardinal libertin se laissa leurrer par une fille, les légitimistes croient-ils que l’opinion publique et le tribunal révolutionnaire ne furent point injustes envers cette si noble et si belle et si imprudente reine ?

L’auteur de Léonie Vermont insiste davantage sur la seconde corruption, celle qui tient au mécanisme politique, sur la distribution des places. Plusieurs chapitres de Léonie Vermont sont consacrés à la description d’une course au clocher dont le théâtre est le salon d’un ministre ou de son chef de cabinet, dont les acteurs sont un député qui