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plus ancienne qu’elle est plus simple, et d’autant plus récente qu’elle s’adresse à des phénomènes plus compliqués. Cette proposition, présentée sous cette forme commode et pour ainsi dire incontestable, n’en est pas moins le fruit d’une profonde et difficile élaboration ; elle n’a pu être inspirée que par une saine conception de la série historique, et il était absolument impossible qu’on l’eût avant d’avoir la théorie de l’histoire. Cela posé, on tient la clé de tout l’enfantement et de toute la progression des sciences. La plus ancienne est la mathématique. En effet, de quoi a-t-elle besoin pour surgir ? De quelques observations empiriques d’une simplicité extrême et qui suggèrent immédiatement, par une véritable intuition, les axiomes fondamentaux. Aussi se perd-elle dans la nuit des temps. Elle fut cultivée avec le plus beau succès par les Grecs ; elle chemina avec les Arabes et dans le moyen-âge, et les modernes ont continué et agrandi immensément l’œuvre transmise par nos pères en civilisation.

Dans l’ordre des dates vient l’astronomie. L’objet dont elle s’occupe est déjà bien plus compliqué que celui qui est étudié par la mathématique. Les planètes, la terre, le soleil, la lune, les étoiles, tout cela forme un système de corps dont il faut reconnaître les lois. Ce sont des mouvemens à tracer, des distances à évaluer, des volumes à mesurer, des vitesses à déterminer. Tant de difficultés en plus du côté de l’astronomie en expliquent la postériorité par rapport à la géométrie ; mais elle aussi jeta un vif éclat dans l’antiquité : elle excita dès-lors (sentiment du reste qu’elle a toujours fait naître chez les hommes) une profonde admiration pour la force de l’esprit humain, en vertu de la prévision si exacte qu’elle comporte. C’est, en effet, le côté qui a frappé Pline quand il dit : « Thalès de Milet prédit une éclipse de lune qui arriva sous le roi Alyatte. Plus tard, Hipparque dressa, pour six cents ans, la table des révolutions du soleil et de la lune. Le cours des ans ne lui a donné aucun démenti, et il semble avoir été admis aux conseils de la nature. Génies puissans et élevés au-dessus de l’humanité, ils ont découvert la loi qui régit ces grandes divinités et délivré de ses craintes l’esprit misérable des hommes qui, dans les éclipses, tantôt croyaient voir une influence malfaisante ou une espèce de mort des astres, et tantôt attribuaient l’obscurcissement de la lune à des maléfices et lui venaient en aide par un bruit dissonant. » Et ailleurs : « Hipparque, qu’on ne louera jamais assez, car personne plus que lui n’a fait sentir que l’homme a des affinités avec les astres et que nos ames sont une partie du ciel, a observé une étoile nouvelle différente des comètes et née de son temps. Le jour où il la vit briller, le mouvement qu’il y aperçut excita des doutes dans son esprit ; il se demanda si cela n’arrivait pas souvent et si les étoiles que nous croyons fixes n’étaient pas mobiles elles-mêmes. Alors il osa, chose audacieuse même pour un dieu, dresser pour la postérité un catalogue d’étoiles et en faire pour