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Les Szeklers, que nos anciennes histoires appellent les Sicules, occupent le territoire montagneux du pays qui s’étend de la Bukovine à la Valachie, le long de la frontière moldave ; leur nom paraît venir d’un mot hongrois qui signifie gardien des frontières ; la tradition les fait descendre de quelques milliers de soldats d’Attila qui se perdirent dans ces montagnes lors de la grande invasion. Ce qui n’est pas douteux, c’est qu’ils ont la même origine que les Hongrois, dont ils sont tout au plus une tribu séparée : même langue, mêmes coutumes, même fierté, même courage, et, dans les temps reculés, même férocité. Ce sont des Hongrois primitifs ; ils sont encore à l’état patriarcal des peuples pasteurs et guerriers. Cette race forte et robuste habite, dans les gorges des montagnes, de petits villages bâtis sur les pentes des torrens. La seule ville de leur territoire est Marosvasàrhély, qui ne compte guère que trois mille habitans, — digne d’ailleurs, par son origine, d’être la capitale d’un peuple de pasteurs. C’était originairement le lieu où l’on conduisait les bœufs que les Szeklers payaient au prince en trois occasions solennelles, à son couronnement, à son mariage, à la naissance du premier fils ; peu à peu des foires se tinrent à cet endroit, des maisons s’élevèrent, et la ville naquit.

Hors de son enceinte, le voyageur chercherait en vain une auberge dans tout le pays des Szeklers ; l’hospitalité est pratiquée là comme aux premiers temps du monde, et, quand vous arrivez sur la place du village, les anciens se disputent à qui vous emmènera dans sa maison. Cette maison est d’ailleurs propre et bien tenue, et, si pauvre que soit votre hôte, il tiendra à honneur de fêter l’étranger. Son accueil est cordial, mais digne, et sans cet empressement banal ou servile qui constitue ailleurs la politesse. Il se tient tout au moins pour votre égal, et il pourrait toujours prouver cette égalité. Je ne connais pas de plus beaux titres de noblesse que ceux que les Szeklers ont reçus de l’histoire et des lois de leur pays.

Tous les Szeklers sont nobles et privilégiés, disent les anciennes coutumes ; ils ne tiennent point leur noblesse des rois, comme les Hongrois ils sont plus anciens que les rois et le royaume de Hongrie, ils tiennent la terre de leur sabre ; toute la nation et chaque individu ont les mêmes privilèges. Leur noblesse ne vient ni par donation ni par concession souveraine ; il n’y a jamais eu lieu à anoblir des nobles, nec erat cur nobiles nobilitari amplius cupivissent. » — « La noble et brave nation des Szeklers, dit le diplôme Léopold, sera exempte comme elle l’a été autrefois, en récompense de sa valeur et de ses exploits militaires, des tributs et dîmes de tout genre. En retour, les Szeklers devront être toujours prêts à prendre les armes pour la défense de la patrie (article 14). » Dans cette aristocratie de guerriers, les biens passaient naturellement aux fils ; si les fils manquaient, la fille héritait, filia filii