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saires, M. de Maleville et M. de Lamartine, M. Duvergier de Hauranne et M. Marie ; nous regrettons aussi M. Marrast, M. Garnier-Pagès, en souvenir du mal qu’ils ont empêché et du bien qu’ils ont rendu possible M. Vivien et M. Rivet sont au conseil d’état ; cela ne nous console pas de ne point les voir aussi dans l’assemblée. Nous bornons nos regrets à ceux qui ne sont absens que depuis deux jours ; quant à ceux qui sont absens depuis un an, nos regrets seraient encore plus impartiaux et plus étendus.

Quoique la nouvelle assemblée ne siège que depuis trois jours, elle a déjà eu le temps de montrer un des traits les plus caractéristiques et les plus prévus de l’esprit qu’elle apporte. Nous avons souvent, en province, entendu traiter la question de savoir si le gouvernement doit rester à Paris. Cette question, pour nous, n’a jamais fait l’objet d’un doute, à la condition cependant que le gouvernement sera, quoiqu’il soit à Paris, le gouvernement de la France tout entière, et non pas d’une seule ville, à la condition que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne seront pas forcés d’être toujours sur la brèche, et qu’on ne sera pas obligé de bâtir en forme de forteresse la première salle d’assemblée nationale qu’en voudra accommoder aux nécessités de notre temps et de notre pays. Les représentans des départemens apportent dans l’assemblée un sentiment qu’ils n’abjureront pas, quoi qu’il arrive : c’est le sentiment que la révolution de 1848 est la dernière révolution que Paris aura imposée aux provinces. Les départemens se sont approprié la république du 24 février qu’ils n’avaient pas voulue ; ils se la sont appropriée pour la corriger et la régler. Le 10 décembre dernier, ils ont conquis le pouvoir exécutif, et, par les élections du 13 mai, ils ont conquis le pouvoir législatif. Le 10 décembre, Paris a perdu la mauvaise prépondérance que voulaient lui donner les hommes de la dictature. L’assemblée législative achèvera de le déposséder du privilège qui faisait sa ruine, et qui le rendait à la fois dangereux et malheureux. Paris est, dit-on, la capitale de la civilisation, et, tant que Paris mérite ce titre, le gouvernement s’honore et s’affermit en y résidant ; mais si, au lieu d’être la capitale de la civilisation, Paris pouvait jamais devenir la capitale du socialisme, le gouvernement s’affaiblirait et se dégraderait en y résidant. Ce qu’il y a de pis pour un gouvernement, c’est de résider dans un corps-de-garde. Tel est cependant le sort nécessaire des gouvernemens qui vivent en face des émeutes.

Le sentiment que nous venons d’indiquer a éclaté fort énergiquement dans les paroles de M. Ségur d’Aguesseau dès la seconde séance de l’assemblée législative. M. Ségur d’Aguesseau ne demande pas mieux que de crier vive la république ! mais il y a une république qui se crie à Paris par les voix tyranniques de l’émeute ; c’est cette république-là que M. Ségur d’Aguesseau repousse. Il y a une autre république, celle qu’accepte la volonté libre et réfléchie des départemens ; c’est celle-là, la république de la liberté, que veut M. Ségur d’Aguesseau. On a crié au girondinisme ! Au moins ces girondins-là ne commencent pas par pactiser avec la montagne. Cela nous donne bonne espérance pour leurs têtes et pour les nôtres.

La séance du 29 a montré quel était le sentiment de la nouvelle majorité. La séance d’hier a montré quel était aussi le caractère de la nouvelle minorité. Nous ne voulons pas l’accuser de violence préméditée : nous ne croyons pas qu’elle veuille rendre les discussions impossibles ; mais nous croyons que, dans