Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/910

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seule à dévoiler et à désorganiser la conspiration carlo-républicaine. Par un juste retour des choses d’ici-bas, les hommes du National auront plus contribué peut-être que les hommes de M. Guizot à l’affermissement du trône d’Isabelle II.

J’aime à rencontrer dans le livre de M. Hernandez le témoignage de cette coopération, car la haute impartialité de l’écrivain donne un grand prix à l’éloge. Dans la discussion de cet incident Bulwer, dont chaque détail remue une fibre en tout cœur espagnol, M. Hernandez a constamment su rester maître de lui-même, patriotique sans colère, indigné sans préventions, sincère sans aigreur, polémiste et historien tout à la fois. C’est bien là une habile et courageuse défense de la dignité nationale, de cette dignité bien entendue qui sait au besoin faire parler avant la susceptibilité le droit. Pour mieux caractériser et les procédés inouis de lord Palmerston et la légitimité de la détermination prise par le cabinet Narvaez, l’auteur est allé étudier, dans le dépôt d’archives de Simaucas, les précédens diplomatiques des deux pays : son livre fourmille de documens curieux, et qui suffiraient seuls à lui donner une grande valeur historique. Je voudrais plus de précision et moins de sous-entendus dans la partie actuelle de cet ouvrage. Le lecteur espagnol peut seul comprendre à demi-mot, et le livre de M. Hernandez devrait être européen.

Je ne sais si, pour ma part, j’ai bien fait saisir au lecteur français ce qui, dans l’incident Bulwer, doit influer sur les rapports à venir de l’Espagne et de la France. Pour résumer, tout, dans cet incident, aura procédé par contradictions et par surprises. Février avait anéanti l’alliance franco-espagnole, et, pour avoir voulu, joindre à l’effort des événemens son propre effort, le Foreign-Office a rendu cette alliance plus nécessaire et plus facile que jamais. L’Angleterre monarchique a cru habile de souffler le désordre en Espagne, et elle n’a réussi qu’à fournir à la France républicaine l’occasion d’y protéger l’ordre. La république française, qui était le principal danger du gouvernement espagnol, est devenue son principal point d’appui. Le parti modéré, que la chute de Louis-Philippe mettait à la merci de l’Angleterre, a été soustrait à la fois, et par l’Angleterre elle-même, aux engagemens diplomatiques et aux résistances intérieures qui paralysaient sa liberté d’action. La possibilité de la réforme douanière enfin, ce réveil de l’ascendant espagnol en Europe, est sortie d’une situation qui semblait condamner l’Espagne à devenir la succursale anglaise du Portugal.

L’Espagne saura-t-elle utiliser l’instrument de régénération qu’une succession providentielle de hasards lui a mis à la main ? Tout le fait espérer. M. Mon vient de présenter un projet d’abaissement des tarifs, qui, s’il est accepté, détournera vers la Péninsule une bonne partie du