Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui n’aurait écrasé lord Palmerston qu’en faisant jaillir de compromettantes révélations sur tout l’ensemble de la politique anglaise. Au banc ministériel enfin, le marquis de Lansdowne, démentant formellement l’approbation que lord Palmerston avait pris sur lui de donner à M. Bulwer « au nom du gouvernement tout entier, » exprimait le profond regret de celui-ci sur l’usage que cet agent avait fait de ses instructions.

L’honneur de l’Angleterre est à peu près sauf, mais non son influence, du moins cette influence absorbante et tracassière qui avait pour but l’isolement politique et commercial de l’Espagne, pour prétexte les services rendus, pour moyen l’alliance des progressistes constitutionnels. La chute de Louis-Philippe, en plaçant le gouvernement espagnol dans l’alternative de subir le protectorat britannique ou de rester seul entre les attaques combinées de l’opposition du dedans et de la propagande républicaine du dehors, semblait offrir à cette influence, jusque-là éludée plutôt que contestée, l’occasion d’un triomphe définitif et sans partage : fait bizarre ! elle aura précisément péri par là. Lord Palmerston s’est cru dispensé de tout ménagement en face de l’isolement subit du gouvernement espagnol, et c’est dans ce surcroît de dangers que l’indépendance péninsulaire a trouvé son salut. Non content de dominer le cabinet de Madrid, lord Palmerston a voulu l’écraser, et celui-ci a puisé dans le sentiment d’un péril suprême l’énergie d’un suprême effort. Non content d’exploiter, comme en 1840, les susceptibilités politiques de l’opposition constitutionnelle, lord Palmerston s’est audacieusement armé du montemolinisme et des idées républicaines, et a condamné par là cette opposition à la neutralité, en lui enlevant tout prétexte honorable d’accepter le concours britannique. Cette abstention forcée des progressistes parlementaires n’a pas peu contribué à l’insuccès des deux insurrections. Non content d’utiliser les circonstances qui asservissaient de fait l’Espagne à l’Angleterre, lord Palmerston a cru frapper un coup décisif en proclamant cet asservissement en droit, et le droit s’est écroulé avec le fait. Pour sauver l’ascendant moral de l’Angleterre en Europe, whigs et tories, parlement et gouvernement, se sont vus réduits à désavouer les brutales prétentions du Foreign-Office, à proclamer la gratuité des services rendus, à constater l’autonomie pleine et entière de la Péninsule. Chaque menace du Foreign-Office se sera donc transformée en garantie. Si la secousse de février n’a servi qu’à équilibrer l’édifice chancelant de la monarchie espagnole, si les principes même qu’invoquait le gros de l’opposition progressiste pour excuse de son anglomanie la rivent désormais à une politique nationale, si l’Espagne a conquis enfin avec son repos intérieur sa liberté d’action à l’extérieur, si le gouvernement d’Isabelle