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Dans la province d’Alicante, le cabecilla Bas disait aux populations, qu’il cherchait à soulever, que « l’affaire était sûre, puisque M. Bulwer en prenait la direction. » Le cabecilla Carsi annonçait, de son côté, que M. Bulwer « aiderait l’insurrection par mer. » A Alicante même, des hommes connus par leurs relations avec M. Bulwer promettaient à l’insurrection l’appui de la marine anglaise. Dans la province de Valence, le cabecilla Sendra allait annonçant partout que l’Angleterre le soutenait, et qu’un colonel anglais « devait lui faire un envoi d’armes de Gibraltar. » L’apparition d’une croisière espagnole, disons-le en passant, vint déranger les calculs de Sendra, qui aussitôt disparut. Les insurgés n’étaient pas, du reste, ici les plus impatiens. Dès le 10 mai, un navire anglais, venant d’un port de la Grande-Bretagne et passant en vue de Carthagène, hélait une barque espagnole pour demander « si la reine Christine était encore à Madrid, si le général Narvaez continuait d’être à la tête du gouvernement, et si l’insurrection de Barcelone et des autres provinces n’avait pas encore éclaté. » Étrange prescience ! On savait donc d’avarice en Angleterre que la nouvelle de l’insurrection de Madrid pouvait arriver à Carthagène le 10 et que cette insurrection éclaterait par conséquent le 7 ? Le 12 mai enfin, un bataillon de la garnison de Séville faisait écho, mais sans plus de succès, au soulèvement militaire de Madrid, dont l’issue n’était pas encore connue. Ici nous voyons décidément très clair. Ce n’est plus seulement l’influence de M. Bulwer qui va apparaître derrière les révolutionnaires, c’est sa main, son nom, sa propre signature.

Qui commandait le bataillon révolté de Séville ? Une créature de M. Bulwer, comment dirai-je cela ?… son beau-frère par le cœur et l’alcôve. La politique espagnole serait inintelligible, si l’on ne se résignait à soulever parfois un coin de mantille. Aussi bien je n’ai commis cette indiscrétion qu’après les dépêches diplomatiques et les journaux. Cet officier devait son grade à la protection de M. Bulwer. Il se montrait reconnaissant. C’est au nom de M. Bulwer, c’est en montrant les lettres de M. Bulwer, auquel, avait-il eu la franchise de dire dans sa harangue, l’unissaient « les plus intimes relations ; » c’est en protestant enfin que l’Angleterre se chargeait de propager l’insurrection dans le reste de l’Espagne, que le commandant Portal, puisqu’il faut le nommer, était parvenu à soulever le corps placé sous ses ordres. Comme pour mieux symboliser le but éminemment, exclusivement anglais du mouvement, le bataillon de Portal avait dirigé ses premières tentatives contre la demeure du duc et de la duchesse de Montpensier, qui venaient d’arriver à Séville. Les illustres proscrits avaient déjà reçu à Londres, où ils s’étaient réfugiés après février, un accueil indigne. Lord Palmerston leur avait brutalement refusé les moyens de se rendre