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grief du gouvernement britannique contre les modérés espagnols Le concours donné par ceux-ci au renouvellement du pacte de famille. Or, ce pacte venait d’être anéanti par la brusque ruine de l’une des parties contractantes ; ce grief avait disparu avec la monarchie de Louis-Philippe dans le gouffre de février. Disons plus : le mariage de M. le duc de Montpensier n’était plus qu’un accident heureux pour l’ambition britannique, Ce mariage, destiné à resserrer les liens qui unissaient les monarchies française et espagnole, ne revêtait-il pas désormais le caractère opposé, et ne devenait-il pas un gage permanent de défiance et de haine entre la France républicaine et l’Espagne monarchique ? Il semblait donc qu’en principe comme en fait l’Angleterre ne pût, sous peine d’inconséquence, favoriser les agitateurs espagnols. Lord Palmerston en jugea autrement.

Lord Palmerston se dit que l’Espagne, avec les innombrables élémens de désordre qu’elle renfermait, avait peu de chances d’échapper au contre-coup d’une révolution qui bouleversait, dans le reste du continent, les situations les mieux assises. Or, si la Péninsule s’embrasait au seul contact de notre républicanisme, qu’allait-il arriver ? L’échec subi en 1846 par l’influence anglaise allait se reproduire sous une forme plus définitive et plus dangereuse. A la solidarité brisée de deux familles allait se substituer la solidarité plus intime encore de cieux révolutions, et cette fois ce serait le parti exalté lui-même, c’est-à-dire le parti dont s’étayait l’influence anglaise, qui se trouverait conduit à personnifier l’alliance franco-espagnole. Du même coup, l’influence anglaise pouvait ainsi perdre et le bénéfice de la chute de Louis-Philippe et son dernier point d’appui au-delà des Pyrénées. La peur est mauvaise conseillère. De crainte d’être supplanté par notre propagande révolutionnaire, lord Palmerston imagina tout à coup de prendre les devans sur elle. C’est ce qui va ressortir des faits ultérieurs. C’est la seule explication raisonnable de l’étrange note du 16 mars, qui, s’il n’y fallait voir l’expression du calcul que je signale, serait un monument d’imbécillité ou de folie. Les dieux semblaient décidément se mettre du côté des barricades, et le Caton du Foreign-Office jugeait infiniment habile de se mettre du côté des dieux.

Qui ne se souvient de cette fameuse note du 16 mars ? Le long cri d’indignation qu’elle souleva l’été dernier dans la Péninsule trouva un écho jusqu’au sein de nos plus cruelles préoccupations intérieures. Chaque phrase de ce document était un acte de déloyauté ou une insulte. Au mépris des droits les plus imprescriptibles de l’indépendance espagnole, au mépris de cette solidarité qui doit unir de cœur ou de fait, en face d’un danger commun, tous les gouvernemens réguliers, et que j’appellerais la probité internationale, lord Palmerston accusait le gouvernement espagnol d’être en contradiction avec les sentimens et