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Cette loyale conduite arrêta beaucoup d’esprits indécis. M. Robert Blum lui-même parut fort embarrassé ; il allait et venait, il sortait et rentrait tour à tour. J’ai déjà dit que M. Robert Blum était un diplomate Esprit plein de sens, cœur faible, il était trop engagé avec les fous pour revenir sur ses pas, et il a employé long-temps une habileté prodigieuse à se maintenir dans une position fausse. Malheur à l’homme généreux que sa faiblesse rend esclave de la démagogie ! Suspect à son parti, il sera poussé tôt ou tard dans les voies fatales de la violence. La fin tragique de Robert Blum l’a trop bien prouvé ; ce n’est pas seulement la justice sommaire du prince Windischgraetz qui doit se reprocher cette mort : Robert Blum, nous le verrons bientôt, a été frappé par les siens.

Le lendemain, 3 avril, M. Mittermaier, en ouvrant la séance, eut la joie de lire à l’assemblée un message bien significatif de M. le comte Waldsee-Colloredo, président de la diète. M. le comte Colloredo annonçait que la diète, prévenant les désirs de l’assemblée des notables, avait déjà, dans sa séance du 10 mars, annulé toutes les lois d’exception. Il ajoutait que, parmi ses collègues, tous ceux dont les actes politiques antérieurs n’étaient pas d’accord avec la situation présente avaient envoyé on enverraient bientôt leur démission. Ainsi l’ancienne diète, transformée déjà par l’introduction de M. Welcker et de ses amis, disparaissait devant la volonté des notables, et faisait place à un pouvoir nouveau, à un pouvoir libéral et intelligent, expression fidèle des exigences de la patrie. Cette victoire rappelait à tous les esprits une coïncidence extraordinaire. Quinze années auparavant, et précisément à pareil jour, le 3 avril 1833, une troupe d’insurgés avait voulu s’emparer de la ville où siégeaient les plénipotentiaires des cabinets allemands. Cette folle tentative avait jeté dans la prison ou dans l’exil un grand nombre des hommes assis aujourd’hui sur les bancs de l’église Saint-Paul et qui venaient de recevoir l’abdication de la diète. Ce simple rapprochement exprimait d’une manière dramatique les conquêtes du parti libéral. Le mouvement pacifique de la révolution se développait avec grandeur ; rien ne gênait plus sa marche ; les lois de 1819 étaient déchirées, et les anciens chefs de l’opposition à Carlsruhe, à Stuttgart, à Berlin, étaient les délégués des souverains dans les conseils de la diète. Belle situation, mais pleine d’inquiétudes ! Responsabilité terrible pour l’Allemagne nouvelle et pour l’assemblée qui la représentera bientôt ! L’Allemagne va montrer si elle était digne de cette victoire, ou bien si, entraînée par un fol enthousiasme, elle doit ne poursuivre que des chimères et se précipiter dans les entreprises violentes qui la ramèneront sous le joug.

Si ces inquiétudes troublèrent plus d’un esprit clairvoyant le 3 avril 1848, elles disparurent bientôt dans la joie du triomphe. Cette dernière séance fut consacrée à la nomination du comité des cinquante.