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siècle. Que de choses changées pendant ce long intervalle ! L’ancien régime vaincu à Berlin et à Vienne, M. de Metternich en fuite, le Schleswig délivré du joug danois, l’Allemagne entière en possession des libertés constitutionnelles ! Nommez donc un comité qui soit l’expression fidèle de l’assemblée et qui ait l’autorité nécessaire pour préparer efficacement vos travaux. — Encore une fois, l’orateur semble ne traiter qu’une simple question de procédure : prenez garde cependant ; à l’insistance qu’il y met, à l’âpreté de sa logique, vous devez sentir qu’il s’agit d’une chose grave. Si la proposition de M. Schaffrath est votée, la commission s’assemble, les programmes se succèdent sans relâche, et ce parlement des notables, convoqué surtout pour faire la loi des élections, va devenir peu à peu une convention souveraine qui ajournera indéfiniment la véritable assemblée nationale.

Le comité d’Heidelberg sentit l’imminence du danger. La proposition de M. Schaffrath menait par un chemin détourné au but que proclamait si maladroitement M. de Struve. Un des membres éminens de ce comité, M. Welcker, prend aussitôt la parole : « Messieurs, dit-il, toute la question est de savoir si vous entendez prolonger la situation extraordinaire de cette assemblée. »Et, dévoilant la tactique de M. Schaffrath, il demande s’il est bien, si c’est un acte loyal de retarder la convocation du vrai parlement germanique. Ces simples paroles que lui dicte le bon sens sont prononcées par M. Welcker avec une animation prodigieuse ; une colère mal contenue éclate dans l’émotion de sa voix, dans la vivacité de son langage. Il n’y aura pas de malentendu, la gravité de la discussion a été comprise par tous ; il est clair que, dans cette question de règlement, c’est la révolution régulière et la démagogie aventureuse qui sont aux prises. M. Gervinus, qui remplace M. Welcker à la tribune, n’était pas membre du comité des sept ; il était de cette réunion des cinquante et un d’où sont sortis et le comité des sept et le parlement des notables. Le comité des sept, a dit M. Schaffrath, ne représente plus rien ; c’est à cela que répond M. Gervinus en quelques paroles nettes et hautaines. « La proposition de M. Schaffrath, s’écrie-t-il, aura cette conséquence nécessaire de substituer au programme du comité qui existe le programme d’un comité qui n’existe pas. Je prie M. le président de demander à l’assemblée si elle est de cet avis. » On ne pouvait mieux poser la question et provoquer plus clairement la réponse ; par malheur, l’indécision de M. Mittermaier faillit tout perdre ; ses scrupules lui défendirent de fermer si tôt le débat, et la bataille recommença de plus belle.

C’est M. Robert Blum qui vint appuyer la proposition de M. Schaffrath, et il le fit avec une douceur, avec une tranquillité singulières. Beaucoup plus modéré dans la forme que ne l’avait été M. de Struve, M. Schaffrath avait montré cependant une certaine vivacité de légiste ;