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moyen de commencer immédiatement ses délibérations. Ce programme du comité des sept, fortement empreint de l’esprit monarchique et constitutionnel, devait être attaqué et défendu avec une ardeur opiniâtre ; ce fut la première bataille rangée que se livrèrent à Francfort la démagogie et la liberté, l’esprit de révolution et l’esprit de réforme. À peine M. Mittermaier avait-il achevé de lire le premier paragraphe du programme des sept, qu’un orateur s’élance à la tribune : c’est M. de Struve, le chef des républicains badois. Sans se soucier du programme d’Heidelberg, il fait une proposition qui est elle-même un programme tout entier, et quel programme, juste ciel ! Avec quels ménagemens habiles ce grand politique va préparer les transformations de son pays ! Par quelles transitions inaperçues, par quels chemins naturellement frayés il va conduire ses compatriotes vers ce but si sérieux de l’unité allemande ! Comme il se gardera bien de heurter les opinions et d’accumuler les obstacles là où les obstacles sont déjà si nombreux ! Le programme de M. de Struve se termine par cet article qui me dispense de citer les autres : « Les royautés sont abolies. Elles sont remplacées par des parlemens issus du suffrage universel, à la tête desquels siégeront des présidens élus aussi par le suffrage du peuple. Tous ces parlemens seront unis par des liens communs, à l’exemple des États-Unis de l’Amérique du Nord. »

Puis, après une proclamation adressée au peuple à la suite de ce programme, M. de Struve terminait ainsi : « Nous siégerons à Francfort jusqu’à ce qu’une assemblée nationale librement élue puisse prendre en main les affaires du pays. Dans l’intervalle, nous élaborerons les projets de lois, et, par l’installation d’une commission exécutive, nous préparerons la régénération de l’Allemagne. » La question était nettement posée ; c’était la révolution, une révolution complète, radicale, que décrétait M. de Struve. Cette netteté même, on le pense bien, éloignait le péril ; la proposition de M. de Struve était trop intelligible pour être bien dangereuse. Un tacticien plus expert s’empressa de venir à son aide. Voyez ce petit homme aux yeux clairs et perçans, à l’attitude froide et résolue ; c’est un avocat saxon, M. Schaffrath. M. Schaffrath n’a pas la verve étourdie de M. de Struve, il ne parle ni de république ni de gouvernement provisoire. Que vient-il discuter à la tribune ? — Une simple question de forme. L’assemblée nommera un comité chargé d’examiner non-seulement le programme d’Heidelberg, mais tous les programmes, toutes les propositions qui lui seront faites ; c’est tout ce que demande M. Schaffrath. — Il professe, dit-il, la plus sincère estime pour les sept membres du comité d’Heidelberg ; mais ce comité a-t-il été élu par l’assemblée de Francfort ? est-il l’expression de cette assemblée nouvelle ? Depuis le jour où ce comité s’est réuni, tout un mois ne s’est-il pas écoulé ? Un mois, depuis le 24 février, c’est plus qu’un