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en effet, que tous agissent ensemble, et que chacun d’eux cependant eût une action spéciale sur son pays : M. Stedtmann représentait la Prusse rhénane, M. de Gagern la Hesse-Darmstadt, M. Roemer le Wurternberg, M. Willich la Bavière, M. Winding la ville de Francfort ; le duché de Bade, d’où le mouvement était parti, avait à lui seul deux représentans : c’étaient les deux chefs infatigables de l’opposition constitutionnelle, M. Welcker et M. d’Itztein, le premier comprenant déjà le besoin d’une résistance intelligente, le second, au contraire, tout prêt à se jeter dans les folies démagogiques.

Le comité des sept se mit à l’œuvre, et le 12 mars une proclamation signée de ces noms chers au pays convoquait à Francfort, pour le jeudi 30 mars, tous les anciens membres et tous les membres présens des chambres constitutionnelles. Un certain nombre d’hommes éminens, choisis en dehors des chambres et investis de la confiance populaire, recevraient bientôt, disait-on, des invitations spéciales. Le vendredi, 31 mars, ce parlement préparatoire (Vorparlament) ou assemblée des notables (Notabeln Versammlung), chargé de faire la loi électorale, de parer aux nécessités du moment, et de convoquer définitivement la véritable assemblée de la nation, tiendrait à Francfort sa première séance. Le rendez-vous était donné d’une manière solennelle, mais sans prétention et sans faste. Il y a presque toujours une beauté sévère dans ces premières transformations appelées par la conscience de tout un peuple. Ne sentez-vous pas ici quelque chose de 89 ? La révolution s’avançait sans fureur, sans violence, sans aucune brutalité anarchique ; le flot montait majestueusement.

Il est rare pourtant, même en Allemagne, que les excès de la populace ne troublent pas les révolutions les plus pures. Pendant toute la seconde moitié du mois de mars, Francfort fut envahi par les clubs. Les démagogues, suivis de leurs bandes, y affluaient de tous côtés, et s’apprêtaient à surveiller le parlement. Il n’était pas bien sûr, en un mot, que cette assemblée, convoquée d’une façon révolutionnaire par un comité sans mission, pût trouver grace devant les agitateurs et délibérer librement. Le parti exalté parlait haut dans les clubs et les tavernes. Les deux meneurs, M. Hecker et M. de Struve, prêchaient ouvertement la république : le premier, sans théorie précise, sans aucune trace de doctrine sérieuse, n’ayant à lui que l’éloquence avinée d’un étudiant badois en belle humeur ; le second, cherchant une sorte de système dans le Contrat social, mauvais scribe nourri de Robespierre et de Saint-Just, fanatique au teint hâve, à l’austérité pédantesque, un des moines mendians de la démagogie ; tous deux, enfin, profondément méprisés des révolutionnaires du nord, et incapables, si la république triomphait, de tenir une heure seulement devant les montagnards de l’école hégélienne. Heureusement pour la tranquillité de Francfort, les