Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 2.djvu/841

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intervention officieuse, n’auraient pu être de si tôt produits au grand jour. Si la vérité éclate, c’est à lui seul qu’on le devra.

En 1837, le gouvernement issu de la révolution de juillet semblait parvenu à son apogée ; il était arrivé à ce point précis où le problème d’un établissement politique est résolu, moins encore par ses amis que par ses adversaires, qui ajournent en public des desseins dont ils commencent à désespérer en secret. Au dedans comme au dehors, tout avait réussi à la dynastie nouvelle. Les relations internationales entraient dans une phase régulière ; la révolte comprimée paraissait désarmée et vaincue. Dans l’opinion de l’Europe, la sagesse, l’habileté et, ce qui est plus rassurant que l’habileté et la sagesse, le bonheur, présidaient aux destinées de la France. Sans doute on prévoyait encore de graves périls à conjurer dans l’avenir ; mais on les rejetait au-delà du règne présent. Bien plus, contre ce danger même, quelque redoutable qu’il parût d’avance, le pays trouvait de puissantes garanties dans les espérances fondées sur l’héritier du trône.

Tout le monde a connu et approché M. le duc d’Orléans, car jamais prince ne fut plus accessible, et on peut appliquer à sa mémoire ce qui a été dit d’un des personnages éminens du XVIe siècle, de l’un des Guise, si je ne me trompe : Pour le haïr, il fallait ne pas le voir. La noblesse de son maintien, la grace de son accueil, l’éclat de sa bravoure, enfin tout ce qu’il y avait de séduisant dans ce jeune prince, dans ce jeune homme, est encore présent à tous les esprits et pour ainsi dire à tous les yeux ; mais, si des traits extérieurs peuvent laisser une empreinte durable, il n’en est pas ainsi de la physionomie intime et morale, qui échappe souvent aux contemporains eux-mêmes, effacée et perdue dans un débat contradictoire, et qui disparaît bien plus facilement encore sous les fausses couleurs des pamphlétaires rétrospectifs. À cet égard, les morts ne sont pas plus heureux que les vivans ; le prince royal n’a pas été plus épargné que sa noble compagne. Que dire de ces lignes tracées au hasard où M. le duc d’Orléans n’est nommé que pour être sacrifié à un autre prince, qui certes souscrira moins que personne au jugement dont il est l’objet ? En mettant de côté un parallèle entre des qualités entièrement différentes, et sans entrer dans des détails qui nous mèneraient trop loin, nous récuserons sur ce point, comme sur tous les autres, la compétence du trop fécond historien.

M. le duc d’Orléans représentait, non les idées vaincues et surprises dans la catastrophe de février, mais les idées qui seules auraient pu la prévenir. Quoiqu’un peu dominé par une ardeur belliqueuse que l’âge aurait réglée sans l’amortir, il ne s’était pas trompé sur le caractère de son époque : il la voyait telle qu’elle est il ne tournait pas le dos à un