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de la grande conspiration ourdie contre la république. Demandons la déchéance du président, des ministres, du général Changarnier ; demandons que tout le monde meure plutôt que nous. Vains efforts, hélas ! vaines convulsions de l’agonie ! Il faut mourir ; il n’y a ni violences ni déclamations qui puissent l’empêcher. Oui, l’Italie a vu s’évanouir les espérances de liberté et d’indépendance qu’elle avait conçues il y a dix-huit mois ; mais à qui la faute, si ce n’est à la démagogie ? Et ce n’est pas votre vie ou votre puissance qui la sauverait ; ce serait là au contraire ce qui achèverait de la perdre. Oui, l’Allemagne est en feu ; mais, là encore, à qui la faute, si ce n’est à la démagogie, qui a voulu changer en mouvemens républicains les efforts que l’Allemagne faisait pour arriver à l’unité ? Et croyez-vous que si vous viviez, si vous régniez, l’Allemagne en serait plus forte ? Non ! les fous en seraient plus fous, parce qu’ils espéreraient votre appui, et les sages, effrayés, se rejetteraient vers le despotisme, comme vers la dernière chance de salut. Oui, en France même, nous voyons bien que cette liberté que nous avons tant aimée, la liberté sage et régulière que comportait la monarchie constitutionnelle, perd chaque jour du terrain. Le président y peut ce que ne pouvait pas le roi, les généraux sont puissans et décisifs ; nais ici encore à qui la faute, si ce n’est à la démagogie, et si vous continuiez à vivre, si jamais vous parveniez à vous emparer du pouvoir, loin de rappeler au culte de la liberté, vous en écarteriez à jamais tous ceux qui en gardent encore le regret, sinon l’espérance. Nous n’avons pas le moindre goût pour le gouvernement du prétoire ; mais, quand il faut choisir entre le prétoire et le carrefour, entre la force disciplinée et la force brutale, nous n’hésitons pas. Nous n’aimons pas le pouvoir du sabre ; mais le sabre intelligent et honnête vaut mieux que la pique sauvage et sanguinaire. Il y aurait eu, il y a deux ans, bien des réflexions à faire, et des réflexions justes, si le roi avait écrit la lettre du président, et si M. le duc d’Aumale, gouverneur-général de l’Algérie, avait mis cette lettre à l’ordre du jour. Autres temps, autres soins. La stratégie aujourd’hui l’emporte sur la légalité ; car nous sommes en guerre, il ne faut pas se le dissimuler.

Nous avons parlé de l’état de l’Allemagne. Cet état, tel qu’il est depuis un mois, mérite une attention particulière.

L’unité est un grand et beau sentiment ; il a fait la force de l’Allemagne en 1812 et en 1813, et nous sommes touchés quand nous entendons un des vieux chantres du patriotisme teutonique de 1812 s’adresser d’un ton solennel aux rois allemands pour les conjurer d’accomplir l’œuvre de l’unité germanique. « Rois allemands, dit le vieil Arndt, l’auteur de la chanson Où est la Patrie allemande ? nous sommes au quatrième acte du grand drame épique de l’Europe et de l’Allemagne. Le premier acte, l’acte de notre Allemagne, ce sont les grandes années 1813 et 1815 ; le second acte, c’est 1830 ; le troisième, 1848, et maintenant, en 1849, telle est la rapidité du temps qui vole et qui s’enfuit, nous sommes au quatrième acte. Quand viendra le cinquième ? Je ne le sais pas ; mais si vous n’êtes pas prudens, ô rois allemands, il ne se fera pas long-temps attendre. Vous me répondrez peut-être : Que viens-tu nous prophétiser, vieux corbeau blanchi par l’âge ? Qu’est-ce que ce cinquième acte dont tu menaces les princes et les rois ? — Non ! non ! je ne menace point : je