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qu’on a beaucoup conspiré ces jours derniers pour ne pas mourir. Que n’a-t-on pas tenté, et qui, dans le parti du 24 février, même parmi les plus honnêtes et les plus avisés, ne s’est pas efforcé de mettre la main à cette conjuration des agonisans ? M. Marrast n’a-t-il pas cherché lui-même à faire son petit complot ou à découvrir son petit complot ? L’idée dominante, en effet, du parti du 24 février, c’est de dire que le gouvernement conspire contre la république. Les proclamations du général Oudinot, les lettres du président de la république, les ordres du jour du général Changarnier, l’éloquence énergique et consciencieuse de M. Barrot, tout est une conspiration contre la république. Ce qui est surtout une conspiration contre la république, c’est le grand De profundis électoral qui commence pour les républicains du 24 février. Voyons, parmi toutes ces conjurations, celle qu’a découverte le président de l’assemblée nationale. Le président, un des jours de la semaine dernière, a voulu avoir deux bataillons de plus pour garder l’assemblée. Deux bataillons ! et pourquoi ? Craignait-on un nouveau 15 mai ? Non ; mais le président a voulu savoir si une assemblée qui va mourir est encore obéie. C’est la curiosité du malade qui tire sans cesse la sonnette pour voir si ses serviteurs sont attentifs. Le premier bataillon mandé par le président est arrivé ; le second n’est pas venu ; pourquoi ? Peut-être parce qu’on a vu qu’au lieu d’être le signe d’un danger, l’ordre n’était qu’une épreuve. Le général Forez a été mandé par le président ; il s’est excusé en disant qu’il n’avait pas reçu l’ordre de son supérieur, et qu’il ne pouvait marcher qu’avec cet ordre. Le président alors a mandé le général Changarnier ; le général Changarnier a envoyé un aide-de-camp pour expliquer l’affaire. Le président a fait rapport du tout à l’assemblée, et M. Barrot a reconnu que le droit du président était absolu, mais il a demandé que ce droit ne fût exercé qu’avec discrétion et en cas de nécessité. Or, de nécessité point. Que restait-il donc ? Une pointillerie d’étiquette. Cela n’a pas pu servir encore d’occasion pour décréter d’accusation les ministres et le président de la république, les envoyer à Vincennes, déclarer l’assemblée permanente, ajourner les élections, et ne pas mourir enfin, car c’est là le point. Cet incident a servi seulement à témoigner de la bonne volonté de M. le président de l’assemblée, et le président n’en voulait peut-être tirer que cela.

Passons aux affaires de Rome ; peut-être est-ce là que l’assemblée aura trouvé ce moyen de ne pas mourir qu’elle cherche si ardemment.

Le général Oudinot a débarqué avec ses troupes à Civita-Vecchia. Il a été bien reçu par les habitans, et ce bon accueil a pu lui faire croire qu’il serait également bien reçu à Rome. Beaucoup le lui disaient. Il a donc marché sur Rome, afin de voir si la présence des troupes françaises déterminerait Rome à s’affranchir du joug des condottieri qui la tyrannisent sous prétexte de la défendre. Les condottieri ont engagé le feu ; les Romains sont restés neutres. L’attaque a été infructueuse, et nous avons été forcés de nous retirer après avoir essuyé quelques pertes.

À cette nouvelle, le président de la république a écrit une lettre au général Oudinot pour rendre hommage au courage des soldats et pour déclarer au général qu’il ne serait ni abandonné ni désavoué. Le procédé est noble et habile, C’est après un échec, s’il y en a eu un, qu’un général a besoin d’être encouragé. Le général Changarnier a envoyé aux généraux qui sont sous ses ordres,