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réserve que ce lien ne préjudicierait pas à ses droits comme unique seigneur souverain du pays. Plus d’un siècle s’écoula depuis la dernière diète sans que la noblesse des duchés demandât la convocation des assemblées. Lorsque s’opéra la réunion de la partie ducale du Holstein avec la partie royale, la noblesse du Schleswig et du Holstein remit au roi (24 février 1774) un mémoire qui contenait l’expression de plusieurs vœux ; mais des diètes communes, il n’en était nullement question.

Cette pensée ne se montre clairement et hautement qu’en 1815. Les prélats, les nobles et les propriétaires de terres nobles des deux duchés réclamèrent le droit d’une réunion indivise et l’établissement d’une diète commune, à laquelle appartiendrait la prérogative de voter les impôts. Les prélats et les nobles du Holstein usèrent même de la faculté légale d’en appeler à la diète germanique. Que fit alors la représentation officielle de cette même confédération germanique qui prétend battre en brèche le Danemark à l’aide de ces vieilles coutumes, et qui fait la guerre pour les ressusciter ? Elle déclara qu’il n’entrait point dans ses attributions de rétablir une constitution d’états qui avait par le laps du temps cessé d’être exécutée.

L’Allemagne a donc pris soin par avance de réfuter elle-même l’interprétation qu’elle donne de la charte de 1460, et le Danemark est autorisé à se mettre à l’abri des droits plus récens et plus certains consacrés par les traités de 1720, œuvre de justice et de raison. On n’ignore point que le fief du Schleswig était naguère partagé entre la ligne royale et celle de Gottorp. La partie domaniale (land schaftliche Theil) de ce pays, en vertu des privilèges des prélats et de la noblesse, était soumise à un gouvernement commun. On sait pareillement que la maison de Gottorp s’allia avec la Suède, et obtint en 1658, à la faveur de cette alliance, que le Schleswig fût affranchi de la souveraineté et de la suzeraineté danoises jusque-là incontestées, mais seulement pour la durée de la branche masculine des deux lignes. La maison de Gottorp, qui était alors devenue souveraine dans le Schleswig et qui se trouvait dans des rapports de lutte continuelle avec le Danemark, toujours secondée par la Suède, perdit ou recouvra, selon les vicissitudes de la guerre, les avantages obtenus en 1658 jusqu’à ce que, dans les années 1712 et 1713, cette maison ayant rompu la neutralité promise au Danemark, le gouvernement danois prit possession du territoire qu’elle avait en fief dans le Schleswig, et traita ce fief en pays conquis. On se rappelle enfin que, par la médiation de la France et de la Grande-Bretagne, la paix fut conclue entre la Suède et le Danemark en 1720 ; que la possession du Schleswig fut garantie au cabinet de Copenhague, et que cette garantie, grace au désistement de la ligne de Gottorp en faveur de la couronne de Danemark, n’a rencontré d’opposition nulle part. Voici cependant que les objections surgissent et que les feudistes, si pleins de respect pour de vieilles stipulations féodales dont ils dénaturent même le sens, attaquent ces dispositions si nettes, si positives, de traités consacrés par les trois premières puissances de l’Europe. La science et la diplomatie danoises ont trop beau jeu sur ce point.

Les deux puissances garantes et signataires des traités de 1720, la Grande-Bretagne et la France, n’ont pas eu, déclare-t-on, le droit de rien déterminer, quant au Schleswig, sans le consentement du duc de Gottorp, parce qu’on ne peut garantir que le bon droit et jamais une injustice. Qu’est-ce à dire ? Le Danemark