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dans la querelle du Danemark avec ses sujets allemands du Schleswig-Holstein. On pourrait dès l’entrée du débat, en s’emparant de cette idée d’unité, opposer à cet argument une objection décisive, et demander, par exemple, à l’Allemagne pourquoi elle aurait plus de droits sur le Schleswig, fief de la couronne danoise depuis un temps immémorial, que le Danemark n’en a sur le Holstein ; fief de l’ancien empire ? En effet, elle n’a jamais eu de lien politique avec le Schleswig, et, depuis le commencement du XIIIe siècle, elle a toujours considéré comme limite de l’empire allemand l’Eider, petite rivière qui sépare le Schleswig du Holstein, de l’est à l’ouest. Le Danemark, au contraire, se trouve depuis près de quatre siècles en rapports féodaux avec le Holstein, et durant cette période, à la faveur de ces liens, bien des institutions sont devenues communes entre les deux pays. Il serait donc bien plus facile de déduire comme conséquence de l’unité prétendue des duchés la légitimité de la souveraineté danoise sur le Holstein que d’en faire sortir la légitimité des prétentions de l’Allemagne sur le Schleswig ; mais les juristes danois n’attachent point plus d’attention qu’elle n’en mérite à cette inadvertance des feudistes allemands ; c’est par la base même que les Danois peuvent ruiner l’argumentation de leurs adversaires.

Nous n’avons nulle envie de mettre en doute la communauté de race qui rattache la noblesse allemande du duché de Schleswig à celle du Holstein. Oui, dans le Schleswig, quoique le fond primitif de la population, quoique la majorité des paysans encore aujourd’hui appartienne manifestement à la race scandinave, la majorité de la noblesse est allemande ; elle est venue se fixer dans ce duché peu à peu à la suite des établissemens commerciaux que les Allemands avaient essayé d’y fonder dès le XIIIe siècle ; elle partait du Holstein, et elle était ainsi avec la noblesse du Holstein dans des rapports de parenté que l’intérêt de sa sûreté en présence de la suzeraineté danoise devait rendre intimes et durables. Mais la pensée d’une union territoriale entre le Schleswig et le Holstein était-elle dans les esprits ? Non, et, à cette époque de morcellement féodal, rien n’eût paru plus bizarre qu’une fusion politique des deux duchés.

Les rapports de la noblesse du Schleswig avec celle du Holstein ont été définis par des traités particuliers. Parmi les plus anciens, on en connaît deux de 1307 et de 1323 : ils consacrent l’alliance des nobles contre le souverain, et instituent des assemblées délibérantes dont le nom allemand (die Mannschaft) répond assez bien à notre mot de corporation. Peu à peu les villes et les prélats entrèrent dans ces corporations, et il arriva même que les prélats, à la faveur de leurs vastes propriétés et de leurs privilèges spéciaux, réussirent à y asseoir leur prépondérance. Ce fut en 1397 que les nobles du Schleswig, du Holstein et de Stormarn se réunirent pour la première fois en assemblée générale dans l’intention d’agir de concert. Entre autres résolutions, cette assemblée en prit une qui est justement l’un des points importans du débat scientifique ; elle déclara que la corporation des nobles demeurerait indivise dans le Holstein, dans le Sturmarn et dans le Schleswig.

La corporation est indivise, s’écrient les feudistes ; oui, mais par corporation, il faut entendre l’assemblée générale de la noblesse des trois duchés. — Nullement, peut-on répliquer : il ne faut entendre que la corporation de chacun de ces trois pays envisagés individuellement. Si l’assemblée eût voulu se désigner