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qu’on allait laisser échapper une belle occasion de vaincre facilement les Autrichiens ; mais, quelque diligence qu’elles fissent, elles ne purent arriver assez tôt pour permettre de prendre l’offensive, et l’occasion fut perdue. On peut s’étonner aussi que les deux divisions culbutées à Mortara n’aient pu arrêter l’ennemi, ayant été attaquées aussi tard. Ce qui explique ce fait, c’est la position vicieuse choisie dans Mortara, tandis qu’il s’en offrait une beaucoup meilleure à l’embranchement des routes de Gambolo et de Pavie ; puis l’excès de confiance qui fit négliger d’avoir de vigoureux avant-postes échelonnés au loin dans la direction de l’ennemi pour ralentir sa marche et empêcher une surprise. On était persuadé que les colonnes qui s’approchaient ne venaient faire qu’une petite reconnaissance et n’entameraient jamais un combat sérieux.

Si le cruel incident de Mortara eut une action fâcheuse sur le moral des troupes, qui, à la Sforsesca, avaient si bien combattu, le mouvement rétrograde sur Novara les affecta plus péniblement encore. Les troupes, malgré le découragement de quelques corps, ne comprenaient pas pourquoi on renonçait à une bataille qu’elles avaient si bien préparée. On ne s’expliquait pas non plus l’inaction de la division lombarde, qui, assistant à cette bataille de l’autre côté du Pô, n’avait pas cherché à réparer la faute du général Ramorino en repassant le fleuve et en attaquant l’ennemi par le flanc et en queue pendant sa marche.


III. – NOVARA.

Le 22 mars, à la pointe du jour, nous partîmes pour Novara, où nous arrivâmes le soir, sans avoir été inquiétés dans notre retraite par l’ennemi. Les deux divisions battues à Mortara arrivaient de leur côté sous la ville, et chacun s’apprêta aussitôt à la journée du lendemain ; car il était évident que les Autrichiens, tout comme nous, devaient rechercher un engagement décisif. S’étant ouvert les routes d’Alexandrie et de Turin, le maréchal ne pouvait cependant pas s’élancer vers la capitale du Piémont, en laissant sur ses derrières une armée qui, bien que réduite, comptait encore 50,000 combattans et 111 pièces d’artillerie.

De notre côté, nous devions désirer la bataille, car nous n’avions d’autre retraite que vers le lac Majeur ou la Savoie, ce qui nous isolait de notre base d’opérations ; et d’ailleurs il était évident que l’armée, composée en grande partie de recrues et d’hommes mariés, diminuerait chaque jour sensiblement à mesure qu’elle traverserait une plus grande étendue de son propre territoire. En outre, l’ordre était de risquer le tout pour le tout ; et plus on reculait, plus on éloignait la chance de rallier la cinquième division, plus la disproportion de forces augmentait. La victoire, au contraire, sous les murs de Novara, eût changé complètement la face des choses ; elle n’eût peut-être pas produit