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fourrés ? » Et le commandant hanovrien répond : « N’importe, j’ai conservé nos gens. »

Ce fut dans ces circonstances qu’éclata l’insurrection jacobite, connue sous le nom de rébellion de 1745, dans laquelle le prétendant Charles-Édouard fit une campagne si heureuse au début, si fatale dans son issue. Ce ne fut certainement pas l’amour personnel de ses sujets qui sauva le roi George et sa dynastie ; mais le nom du jeune prétendant était associé à l’idée du papisme et de l’influence étrangère, de Rome d’un côté et de la France de l’autre. Ce fut la force de la dynastie protestante et hanovrienne. Le sentiment populaire du temps est fidèlement traduit dans une caricature appelée « l’Invasion, ou le triomphe de Perkins. » Le prétendant y est représenté dans son carrosse royal, traîné par six chevaux appelés : Superstition, Obéissance passive, Rébellion, Droit divin, Pouvoir arbitraire et Soumission ; la voiture passe par-dessus le corps de la Liberté, et, ce qui est assez anglais, sur les fonds publics. Le roi de France sert de cocher, le pape de postillon ; deux singes et le diable servent de valets de pied. Une autre est intitulée Importation de bulls ; ce qui n’a de sens qu’en anglais ; où le mot veut dire à la fois taureau et bulles. Au milieu est la rivière Tweed qui sépare l’Angleterre de l’Écosse. Le prétendant cherche à faire passer la rivière à un troupeau de taureaux dont les naseaux jettent des foudres, accompagnés de décrétales avec les mots de : « Massacre ; le fouet et la verge ; malédiction éternelle ; feux du purgatoire. » Les animaux sont chargés en outre d’une collection d’indulgences, de chapelets, d’eau bénite, etc. Dans le fond, on voit des Highlanders, c’est-à-dire les Vendéens de Charles-Édouard, qui paraissent marcher un peu à contre-cœur, parce qu’on les fait sortir de chez eux. Il y en a qui disent : « Je m’en retourne chez moi ; » d’autres : « Je ne veux pas sortir de ma paroisse. » Rien ne prouve mieux que ces caricatures que le changement de dynastie en Angleterre fut surtout une question de protestantisme.

Vers la première moitié du XVIIIe siècle, nous voyons apparaître en Angleterre un genre de littérature qui prit depuis de si grands développemens, celui des revues. Le Gentleman’s Magazine date de 1731 ; il eut dès l’origine pour objet des articles de critique et des extraits des ouvrages en vogue. En 1750, il y avait déjà huit recueils de ce genre ; ce fut l’avènement du règne des critiques. Toutefois les revues ou magazines ne furent d’abord que des instrumens de scandale et très souvent de diffamation, et durent surtout leur succès aux chroniques de la vie réelle. Le plus fameux des « gazetiers » de ce temps fut un médecin appelé Hill, qui s’occupait beaucoup plus de scandale que de médecine ; bon pour tout faire, du reste, car il fut successivement docteur, acteur et auteur. Garrick avait fait sur lui cette épigramme :