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un de leurs journaux publia un mémoire des dépenses d’une élection tory, dans lequel nous voyons entre autres choses : « Pour rassembler une foule, 20 livres (500 francs) ; pour faire crier hurrah, 40 livres ; pour faire crier vive l’église, 40 livres ; pour faire crier à bas les têtes rondes, 40 livres ; pour démolir deux maisons, 200 livres ; pour faire deux émeutes, 200 livres ; pour une douzaine de faux témoins, 100 livres ; pour casser les vitres, 20 livres ; pour de la bière, 100 livres ; pour les frais de justice, 300 livres. »

Il paraît qu’en ce temps-là, et nous ne sachions pas que cet usage se soit conservé, les laquais des membres des communes, à l’imitation de leurs maîtres, se choisissaient un speaker, ou président. L’élection se faisait dehors. Un journal du temps raconte comment une bataille s’engagea entre les laquais des tories et ceux des whigs, dans laquelle, après une vigoureuse résistance, les tories finirent par triompher et porter leur speaker trois fois tout autour de la chambre, extra muros ; après quoi, selon l’usage antique, ils allèrent tous se réconcilier à la taverne.

Les maîtres, dans le parlement, ne suivirent pas la fortune de leurs valets. Les tories y étaient en grande minorité ; les derniers ministres de la reine Anne furent mis en accusation, et Oxford et Bolingbroke se sauvèrent en France. La guerre des pamphlets et des caricatures redoubla ; le prétendant, comme il arrive pour tous les prétendans, fut accusé d’être un enfant substitué. Les whigs le disaient fils d’un meunier, et prétendaient qu’il avait été introduit dans le lit de sa mère au moyen d’une bassinoire ; c’est pourquoi on voit figurer cet ustensile dans un grand nombre de caricatures du jour. Dans une de ces caricatures, qui est intitulée Une Famille catholique, nous voyons la reine Marie de Modène assise près d’un berceau, et auprès d’elle un jésuite qui paraît avoir des façons assez familières. L’enfant, dans le berceau, tient un petit moulin, qui indique la condition de ses vrais parens.

La lutte était plus active encore dans les rues. La plèbe jacobite prenait généralement l’offensive, et attaquait et saccageait les chapelles des dissidens aux cris de : Vive l’église ! Ce fut à cette époque que fut votée la loi fameuse connue sous le nom de riot act, qui est encore aujourd’hui en vigueur. Cette loi équivaut à peu près à nos lois sur les rassemblemens ; les magistrats en Angleterre donnent lecture du riot act, comme ici les commissaires de police font les sommations. À Londres, chaque parti avait ses lieux de réunion, qui étaient en général des tavernes et des cabarets. Les agressions des jacobites avaient forcé les whigs, autrement dits les loyalistes, à organiser des moyens de défense en dehors du gouvernement et de la police ; ils avaient fini par former une espèce de garde nationale ou de corps de volontaires, qui se portait partout où la populace cassait les vitres et quelquefois les têtes.