Donnez, monsieur le cardinal. — Chancelier, qu’il soit brisé à l’instant devant vous (elle lui remet le cachet) et qu’il en soit fait un autre au nom du roi régnant. Puisse Dieu nous accorder la grâce que celui-là dure plus long-temps et ne scelle que de bons édits ! Il demeurera entre mes mains, et la garde n’en sera commise à nul autre qu’à moi.
Madame, avant de prendre congé de vous, n’ai-je pas un pieux devoir à remplir ? Je ne vois pas ici la noble reine qui tout à l’heure encore était notre souveraine. Nous sera-t-il permis ?…
Ne cherchez pas notre jeune douairière, elle est en prière aux pieds du roi son bien-aimé. Elle ne verra personne. Moi-même je respecte sa douleur et sa solitude. Demain elle partira pour Reims, où M. son oncle demande à la conduire. N’est-il pas vrai, cardinal ? (Le cardinal de Lorraine s’incline ; la reine-mère lui dit à voix basse :) Reims n’est qu’une étape ; vous savez qu’on l’attend en Écosse… Et vous, cardinal, à la surintendance. (Le cardinal s’incline de nouveau.)
Allons, monsieur de Chavigny, montrez-moi le chemin ; je suis votre prisonnier.
Je veux bien suivre votre altesse, puisqu’elle le commande. Je n’ai pas charge de la garder, mais bien de la servir et de l’accompagner.
Que les rôles sont changés, madame ! Vous souvient-il ?…
Chavigny était moins plat, mais Condé plus heureux. (Le prince de Condé, avant de sortir, fait un salut à la reine-mère. Celle-ci lui dit :) À bientôt, mon cousin ; que Dieu vous garde et vienne en aide à votre ennui !
Scène XXIV.
Ce pauvre Condé, je l’envoie dormir sans souper ! Il espérait… mais c’est bien fait ; toujours ces airs de fanfaron… Duchesse, si le roi se mettait en tête de voir sa belle-sœur, on lui dirait qu’elle a voulu partir. Je vais hâter ce départ. Ses oncles n’auraient qu’à la garder près d’eux, ils auraient bientôt mis cette cour sens dessus dessous. Qui sait ?